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Fiche de lecture

Winnicott Introduction à son oeuvre

Par 18 janvier 2022Aucun commentaire

Winnicott
Introduction à son oeuvre

Madeleine Davis et David Wallbridge

présenté par Katia Varoqui

Madeleine Davis et David Wallbridge furent mandatés par le Winnicott Publications Comittee pour écrire un ouvrage d’introduction à l’œuvre de Donald Woods Winnicott, qui vécut de 1896 à 1971. Ils eurent ainsi accès à tous les textes inédits qui étaient disponibles.

 

Winnicott fut un pédiatre et psychanalyste anglais.

Son expérience de pédiatre en hôpital lui a permis de recueillir des milliers d’anamnèses et d’observer le déroulement de séquences qu’il inventait, telles que celle du jeu de la spatule.

Il a écrit sa théorie à partir de la pratique et pour un usage pratique ; il souhaitait élaborer la théorie la plus exacte et la plus utilisable possible.

Sa contribution particulièrement originale et célèbre à la psychanalyse, est celle de l’espace potentiel -l’aire transitionnelle- ; c’est le « théoricien du doudou ».

Pour traduire ses observations et la théorie qu’il élabora tout au long de sa vie, il eut l’idée de scinder le rôle maternel en deux fonctions, celle qui répond aux besoins du bébé, et celle qui le perçoit dès la naissance comme un sujet.

Winnicott a pointé vigoureusement combien l’enfant est dans une absolue dépendance à la naissance, et que cette dépendance est physique mais aussi psychologique.

Le bébé a 3 défis majeurs : l’intégration -rassembler ses différentes parties-, la personnalisation -habiter son corps- et l’évolution de ses rapports avec les « objets » extérieurs.

Dans la phase de dépendance absolue, il est nécessaire et « ordinaire » que la mère fusionne avec son enfant. A ce stade, l’enfant a besoin de croire, lorsqu’il a envie du sein et que justement ce sein arrive, que c’est lui qui l’a créé. C’est en intégrant petit à petit le soutien de la mère, que l’enfant est capable de passer à une dépendance relative. La mère doit progressivement moins s’adapter à son enfant.

Dans la phase de dépendance relative, l’espace potentiel se déploie. Il s’agit d’un lieu qui est à la fois sous le contrôle absolu de l’enfant et à la fois riche de l’extérieur imprévu. C’est le lieu du jeu que Winnicott a particulièrement théorisé. Jean Piaget reconnaissait que l’enfant a besoin de jouer pour pouvoir s’approprier l’environnement mais il pensait que l’adulte ne jouait plus que dans le rêve. Au contraire, Winnicott qualifie de jeu toutes les expériences faites à tout âge de symbolisation. Aller au musée, partager une blague, choisir une tenue pour une occasion particulière, relèvent du jeu. Toute expérience créative et satisfaisante relève du jeu. L’espace potentiel est le lieu de la communication vraie.

Dans l’aire transitionnelle, l’enfant est capable de donner un sens qui lui est propre aux choses. C’est parce que cette aire représente le sein maternel et en même temps n’est pas le sein maternel, qu’elle est la racine des symboles.

Winnicott théorise particulièrement les notions d’intégrité et de soumission à l’environnement. Pour pouvoir être et avoir le sentiment que l’on est, il faut que le faire-par-impulsion (ce qui vient de soi et a un sens) l’emporte sur le faire-par-réaction (être mené par ses pulsions ou la crainte de l’autre).

Un environnement précoce qui s’adapte mal à l’enfant produit au pire la psychose, sinon un faux self qui peut aller jusqu’à rendre inaccessible au sujet ses propres désirs.

Winnicott avait de la gratitude pour Freud qui a théorisé l’inconscient et permis d’avoir un discours scientifique constitué de règles de fonctionnement au sujet du psychisme. Néanmoins, il était en désaccord total avec lui sur un point tel que la pulsion de mort. Selon Winnicott, la pulsion de mort est une réaffirmation du principe de péché originel.

Pour lui, l’agressivité est partie intégrante de la vie. « Je t’aime, je te dévore ».

L’enfant, lorsqu’il se rend compte qu’il souhaite dévorer la mère qui le soigne, est plein de l’angoisse de la détruire. Progressivement, cette angoisse se transforme en culpabilité. C’est en expérimentant à répétition qu’il est capable de faire des offrandes à la mère-environnement et qu’elle survit à son agressivité toute élan de vie, et continue à le soutenir, que la culpabilité se transforme en sollicitude. L’enfant n’a plus peur de ses pulsions et sera capable de mobiliser son énergie pour entreprendre de grandes œuvres.

Winnicott s’est beaucoup occupé de jeunes délinquants. Il décrivait que ces jeunes passent à l’acte antisocial dans l’espoir de trouver à l’extérieur un cadre qui les contienne et leur permette de se laisser aller, d’avoir l’occasion de se découvrir, de retrouver le fil qui va de l’angoisse à la culpabilité puis à la sollicitude. Malheureusement disait-il, alors qu’ils sont prêts à retrouver leur culpabilité, ils ne peuvent pas encore l’associer à leurs actes impulsifs et sont blâmés de ne pas ressentir de culpabilité.

Une société sous dictature, faisait-il remarquer, est au fond constituée de délinquants masqués, qui vont chercher à l’extérieur un cadre qui les contienne.

Winnicott pointait que les mères n’ont pas besoin de conseils pour élever leur enfant, mais ont besoin d’être rassurées sur leur aptitude à bien faire. Les parents ont besoin de comprendre les choses qu’ils font naturellement, disait-il. Il était notamment très mécontent que l’institution et la publicité se permettent d’intervenir dans l’intimité des familles, telles qu’orienter sur la question de l’allaitement, ou imposer des diktats d’hygiène adaptés à la maladie et non au processus de la vie.

 

J’ai énormément apprécié d’avoir une vue d’ensemble de l’œuvre de Winnicott.

J’avais déjà lu deux de ses ouvrages et j’avais été déconcertée par la notion de mère-environnement, ce point est maintenant éclairci. Peut-être aurais-je aimé voir plus détaillé le lien entre les agonies primitives et la mise en place des clivages, mais est-ce bien nécessaire ? L’a-t-il détaillé ? Et est-ce utile ?

J’ai été très touchée par son amour de la vie et sa détermination à contribuer au bien commun.

Winnicott soutenait que nous devons absolument renoncer à la théorie que les enfants peuvent naître totalement immoraux. Sa vision de l’agressivité s’oppose à la croyance relayée par les industries de l’armement liées au pouvoir, que les hommes ne pourront jamais cesser les guerres. Enfin, le concept d’espace potentiel, lequel peut être restauré sinon instauré dans une thérapie qui s’inscrit dans la durée, implique que l’évolution de l’homme n’est pas que le résultat de sa biologie, et même que l’humain a absolument besoin de l’humain pour être. Cette vérité doit particulièrement être rappelée dans ces temps où le transhumanisme nous menace.