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GEP

Vivre créativement

Par 25 janvier 2021Aucun commentaire

VIVRE CREATIVEMENT

La psychanalyse nous apprend que le psychisme humain est structuré avec une « béance » constitutionnelle.

Dans cet article aux proportions limitées, je n’exposerai pas les raisons qui expliquent cette béance constitutionnelle ; je me propose plutôt d’en tirer les conséquences.

D’ailleurs, depuis toujours, l’être humain a eu à se colleter tout au long de sa vie avec ce manque, ce trou, qu’on l’appelle « péché originel », « désespoir existentiel » ou de quelqu’autre nom, pointant ainsi la souffrance qui colore notre existence.

Toute la question est : « Que faire avec ça ? » Et tout au long de l’histoire de l’humanité, deux types de réponses ont été donnés : la réponse clôturante et la réponse découvrante.

La Réponse Clôturante

 

Elle consiste à tout faire pour boucher ce trou, cette béance, ce désespoir. Nous trouvons là, l’origine de toutes les dépendances et de toutes les idéologies globalisantes.

Au regard de la psychanalyse, tous les comportements qui visent à empêcher la personne de faire face à ce qu’elle est, c’est à dire ouverte en son centre par une faille béante, sont tous équivalents en tant que mécanismes de défense. S’alcooliser, se droguer, prendre des médicaments, travailler comme un forcené, attendre de l’autre une attention de tous les instants, être persuadé de posséder La vérité grâce à Une idéologie, Une religion, sont autant de façons de chercher un « bouchon » qui vienne combler la béance. Bouchon idéologique, bouchon religieux (d’une religion mal comprise qui coupe tout mysticisme au profit d’un dogme externe), bouchon relationnel, bouchon grâce à la maladie (qui tient lieu de sens dans une vie déboussolée), bouchon grâce à l’activisme, bouchon dans la recherche d’un Idéal de perfection à jamais inaccessible, etc. On n’en finirait plus de décrire les comportements humains qui ont pour moteur le désir d’occulter enfin cette blessure jamais refermée que nous portons tous au fond de nous-mêmes.

La secte n’est ni plus ni moins qu’une des réponses clôturantes privilégiées par certains : enfin La Vérité Unique, enfin être dépossédé de cette encombrante lucidité qui nous fait souffrir parce qu’elle nous amène à nous vivre imparfait, non terminé, contradictoire, enfin ne plus avoir à s’orienter par soi-même dans l’indécision et le tâtonnement. Faire face aux sectes est exactement identique à la question de la Drogue : si neutraliser les dealers et les pourvoyeurs est essentiel, c’est une grande illusion que de ne pas chercher pourquoi les gens se droguent ou pourquoi ils adhèrent à ce genre d’organisation.

En effet, pour trouver enfin cette réponse clôturante, bien des gens sont prêts à TOUT perdre, jusqu’à la plus élémentaire réflexion personnelle et à aller passer la nuit à chasser les « lémuriens envahisseurs extra-terrestres » comme leur proposait Gilbert Bourdin. Si l’on fait abstraction de cet appétit, qui est pour nous tous une tentation, ce désir d’enfin perdre la souffrance de cette béance, dussions-nous perdre en même temps ce qui nous fait humain, si l’on oublie cela, donc, on ne comprend plus rien. Et l’on attribue alors, d’une manière excessivement limitative, aux habiletés manipulatoires d’un gourou, le fait que des gens sensés se mettent à avoir des comportements incompréhensibles allant jusqu’au suicide dans la joie.

Le problème de la réponse clôturante est que les gens sont souvent prêts à mourir ou à faire mourir pour pouvoir la conserver. Les guerres de religions, les fanatiques de toutes idéologies, ont en commun de vouloir tout faire pour que rien ne vienne mettre en cause LEUR solution. C’est une manière de faire qu’ils croient vitale pour eux-mêmes.

La réponse découvrante

 

Elle consiste au contraire à accepter de se voir tel que l’on est et de vivre la souffrance qui en découle. Observez-vous ; descendez en vous-même avec calme, en évitant de fuir ce que vous découvrez. Sur quoi arrivez-vous ? Sur la solitude de votre être et sur cette sorte de poignante tristesse, qui ressemble à du désespoir sans que ce mot, cependant, recouvre véritablement votre vécu. En même temps, si vous pouvez rester sans peur dans ces régions, vous aurez aussi comme une sorte de soulagement, comme une sensation de « rentrer chez vous », au lieu d’être toujours dans le personnage habituel.

La solution découvrante, qui a trouvé elle aussi sa place dans l’humanité (par exemple depuis les stoïciens jusqu’à la psychanalyse), me semble être le chemin d’une véritable maturation. Elle consiste en effet à « contenir les opposés » en soi- même, sans chercher à résoudre par l’éjection d’un des deux pôles, le dilemme qui en découle. Si l’on peut, par exemple, avoir la lucidité de se voir et de se sentir à la fois triste ET gai, plein d’amour ET capable de la pire haine, impuissant ET riche d’une extraordinaire énergie… que se passe-t-il alors ? Il se passe quelque chose qui a été très bien décrit par JUNG, dans ce qu’il appelle la « coïncidentia oppositorum » : ce frottement des opposés, qui crée une énergie, une tension, qui au bout d’un temps suffisant, débouche brusquement sur une nouvelle vision des choses, une position « méta », à partir de laquelle le dilemme, sans être résolu, est pourtant dépassé.

Résumons par une métaphore banale dans notre culture : l’énergie électrique et toutes les réalisations qu’elle permet, ne peut jaillir que du frottement, de la rencontre, des pôles opposés contenus dans un même lieu.

L’expérience GEP

 

Tous les Membres du GEP un peu expérimentés auront reconnu là l’essentiel de l’expérience des Entretiens d’Entraide Psychologique. Contenir le problème, sans le fuir. Cela amène dans le cours de l’entretien,  les jours ou les semaines qui suivent, une « intuition », un mouvement intérieur qui permet de dépasser le bourbier dans lequel on se sentait pris. Non pas que celui-ci n’existe plus, mais il ne nous « tient » plus de la même manière.

Ainsi nous est-il proposé, par la voie découvrante, de vivre créativement ; d’accéder à des niveaux de sérénité qui n’excluent pas la souffrance humaine mais au contraire la respectent.

Ce travail de lucidité rigoureuse, qui exclue les faux-fuyants et qui recherche l’authenticité, tant vis-à vis de soi-même que vis-à-vis de l’autre, est un travail favorisant l’autonomie, la pensée personnelle, le refus de tout dogme.

C’est une position ouverte, créative, qui évite de se leurrer face à toute réponse idéologique globalisante, qui accepte de vivre sur la crête de la vague : toujours en risque de tomber du côté du « bouchon », mais toujours attentif à rester libre de toute « dépendance ».

 

Voilà le chemin que propose le GEP. Son côté rigoureux (pas de « jeux », pas de prise de pouvoir, pas de séduction, pas de dogme rassurant) est compensé par le profond lien qui réunit tous ces gens en recherche d’une vie véritablement humaine.