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Vers un nouvel équilibre, le signal de la fin de cure

Par 5 mars 2021mars 23rd, 2021Aucun commentaire

« Vers un nouvel équilibre, le signal de la fin de cure »

J’ai l’image d’arbres plantés, très près les uns des autres.. tous identiques.. c’est un cercle et ces arbres sont inclinés vers l’intérieur..  et ils tournent, comme sur un carrousel …c’est très léger… y’a un mouvement avec le vent.. ça fait un petit mouvement, comme ça. ça semble un endroit de campagne, Moi, …. je serais une branche avec les feuilles.. …ça a un côté très agréable de sentir le vent je suis une branche parmi d’autres.. comme mes consœurs je me sens souple,.. … on se laisse aller dans le vent.. on forme une ronde.. ils se tiennent, se touchent au coude à coude.. ils tournent en étant inclinés…les sensations sont très agréables .. sentir le vent sur soi.. ça fait des frissons.. on a l’impression de s’envoler, … je sens de l’insouciance, du plaisir.. c’est  physique, parce qu’on sent le vent sur soi,  .. c’est beau à voir, tous ces arbres inclinés dans le même  mouvement.. c’est quelque chose d’artistique.. ça ramène à la danse.. c’est pas tout droit, tout rigide… Du fait qu’on est serrés les uns contre les autres et du fait qu’on est penchés.. J’ai l’impression que ça donne une force.. ils faut tous ces arbres.. Cette communauté d’arbres, ça fait qu’on est pris dans notre poussée.. on est pris dans le mouvement.. c’est ça qui est joyeux.. un seul arbre, ce serait plus triste.. et on sentirait la solitude.. alors que là, non, c’est quelque chose de joyeux,. là où je suis, ça me dérange pas qu’on se distingue pas des autres, ça me rend pas triste, ni en colère.. c’est comme ça.. ça doit être comme ça.. c’est  un ensemble.. ça fait penser au monde religieux, quand on est dans un monastère, on a tous le même  habit, on est pareils.. on va dans un même  mouvement, dans le même  sens, mais c’est pas non plus subi, c’est quelque chose d’accepté,  pas subi.. je sais pas parce que je fais le rapprochement avec du religieux.. c’est pour l’harmonie du cercle.. faut une harmonie du cercle..

Voici, en guise d’introduction, le Rêve Éveillé de Marguerite…

Il contient, à mon sens, tous les ingrédients significatifs d’une fin de cure.. nous les verrons en détail plus loin..  Car, pour répondre à la demande qui m’a été faite, je m’attacherai aux images proposées par le Rêve Eveillé..  Avec, comme fil conducteur, une proposition de Boris Cyrulnik, selon laquelle un fonctionnement sain passe par le récit de soi. Un récit partagé précisément, car un récit « solitaire », c’est-à-dire que l’on garde en soi, est la  « porte ouverte aux maladies psychosomatiques et à la dépression. ».

D’une façon générale, la fin de cure se manifeste de trois manières : restauration des imagos dans le Rêve Éveillé, évolution des rêves nocturnes,  évolution du vécu et des relations aux autres. Je m’attacherai à montrer comment les images du Rêve Éveillé expriment l’évolution du patient, comment le récit métaphorisé des vécus traumatiques permet la libération des contenus de l’inconscient et le retour à un équilibre satisfaisant.

Équilibre qui portera  sur trois points essentiels :

Le trauma (un trauma est une blessure physique ou psychique infligée à l’organisme, ou la lésion locale qui en résulte. Le traumatisme renvoie quant à lui aux conséquences locales ou générales du trauma*) assimilé, métabolisé, cicatrisé.. le patient peut passer à autre chose, notamment par la  réparation du narcissisme, de l’image de soi…

Les imagos parentales négatives (l’imago représente le prototype de personnages qui vont influencer de façon inconsciente le rapport d’un individu à autrui, il serait fondé sur ses premières relations interpersonnelles*). Le Rêve Éveillé et le transfert ont rééquilibré les imagos parentales, exprimant les difficultés liées à l’attachement et à l’œdipe…

Avec, pour conséquence, un meilleur équilibre des États du Moi (un des concepts fondateurs de l’Analyse Transactionnelle, selon Eric Berne*). Et le Rêve Éveillé touche même à une dimension mystique, à  la spiritualité, une religion au sens jungien…

J’évoquerai la cure de trois patientes et d’un patient.

Quelques éléments d’anamnèse pour chacun :

  • Violette, 23 ans. Une jeune fille très agressive qui se scarifie, se blesse lors de ses accès de violence, en réponse à la violence de son partenaire. Parents séparés dès sa naissance. Ballottée entre les deux foyers reconstitués. Attachement « adhésif » au père. Manifestant un transfert négatif fort, contre la thérapeute et la cure (insultes, retards, absences).
  • Rosa, 40 ans. 2 filles 8/10 ans. père passionné de triathlon qui a orienté sa fille unique vers le dépassement de soi dans le sport. Fonctionnement mental ; besoin de tout contrôler.
  • Marguerite, 55 ans, divorcée. 2 garçons de 22 et 19 ans. 3e d’une fratrie de 4. Perte du père à l’adolescence. Sentiment d’être invisible. Peur de l’abandon.
  • Lilas, 30 ans, en couple. 2e garçon d’une fratrie de 5. Valeurs rurales de travail. Peu d’intérêt pour les études. Tout en force brute et souffrances intimes non partagées. Alcoolisme.
  • Leur point commun : être mal dans leur vie. Perte des objectifs, relations difficiles aux autres peur des autres ;  repli sur soi… difficulté du lien. Perte des repères. Violence. Peur de l’abandon.

 

Pour vraiment apprécier l’évolution du contenu des rêves de fin de cure, peut-être est-il nécessaire d’évoquer, dans un premier temps,  les images de début de cure.

 

I – Etat des lieux.  Les Rêves Éveillés du début

  1. a) – D’emblée, dans les Rêves Éveillés, apparaissent la difficulté à venir au monde, l’absence d’une mère protectrice, le manque d’amour… le vide… un enfant qui n’a pas le droit d’exister…
  2. b) Des images de distance, marquant la difficulté du lien, une vie rétrécie repliée sur soi.. Difficulté à se déplier. …. J’ai une vision très limitée… je suis dans un scaphandre… je sens ni l’air, ni le froid, ni la chaleur, comme si mon scaphandre était épais et m’empêchait de ressentir… je me sens un peu enfermé… il fait chaud… dans la bulle… un peu étouffant… j’ai envie de l’enlever… mais je prends pas le risque… j’étoufferais… je préfère respirer mal dans ma bulle, plutôt que prendre le risque de l’enlever…  je sais pas où je vais… Ce qui domine, comme sensation, c’est l’irritation.. être là contre votre gré.. de l’irritation, de la frustration   y’a personne… pas d’animaux, ni d’humains y a personne, c’est un lieu un peu désertique, il n’y a pas d’animaux non plus. (Rosa)
  3. c) – Le trauma

–   trauma précoce. Une mère abandonnique.

Un lien à la mère défectueux. La figure d’attachement est devenue le père qui a pris toute la place. ..l’épi de blé.. il est tout seul dans ces pieds.(le champ de blé). j’aimerais monter avec eux,.. content d’arriver en haut avec les autres, et il se rend compte que la lumière est pas là.. et que sa lumière à lui, elle se perd à perte de vue parce qu’elle lui est pas renvoyée.. c’est une énergie de vie qui est étouffée.. les autres qui le voient, je sens dans leur regard ce désintérêt total , parce que ça a rien à faire là…Pour eux, je suis une tache dans le tableau, une imperfection… je suis montée pour partager, et je redescends avec beaucoup de tristesse.. avec la tête baissée.. parce que j’ai l’impression que cet échange que j’avais envie de vivre a pas été capté, par aucun épi.. me faire miroir ou l’accueillir, l’avoir en lui.. échanger et illuminer le moment.. (agir) Je me vois assis par terre, la tige coudée, la tête v /le sol, triste. (Marguerite)

  • Œdipe problématique

Il y a un phare… ce qui est bizarre, d’ailleurs… il est en retrait de la plage… pas directement dessus.. et  après, il y a   de la verdure..  c’est vide.. le phare, je m’en approche petit à petit… il est rouge et blanc… c’est une grande colonne de béton avec des bandes rouges et noires.. qui   s’empilent, et au-dessus, il y a cette lumière de phare très puissante… qui n’apparaît que par flashes… qui  tourne en haut…. Il me parait immense, maintenant que je suis tout près…  Rosa

L’attachement du garçon à la mère, avec impossibilité de s’éloigner et culpabilité œdipienne envers le désir (et la peur). Avec, comme corollaire la difficulté à faire couple.

…j’arrive à marcher… comme si j’avais un ressort qui me tenait dans le dos… qui m’empêche d’avancer… comme si  j’étais attaché par derrière… plus j’avance, plus c’est dur… j’ai reculé d’un seul coup… je sais pas pourquoi… C’est une bourrasque de vent qui m’a éjecté d’où je venais… c’est douloureux… je me sens blessé. (le père qui sépare ?)

(Et puis, dans un autre RE, il trouve, dans un chantier, une vieille brouette qui semble abandonnée.. il hésite, tergiverse, avant de la garder).. Du coup, je pars avec.. la brouette… je marche.., en regardant autour, pour voir si il y a   quelqu’un, pour demander si je peux la prendre ou si elle est à quelqu’un .. parce que  vu que les roues sont assez dégonflées, et doit y avoir un moment qu’elle devait plus servir.. Je croise un monsieur. je suis un peu inquiet, si c’est un gardien.. il peut me poser des questions, savoir ce que je fais là.. où je vais avec c’te brouette …J’ai pas la conscience tranquille, quoi…

  1. d) Le RE montre la construction difficile. Une identification problématique à une mère fragile

Attachement au père..(Rosa) difficulté de s’en éloigner… fascination pour la lumière du Père, en opposition à la discrétion/fragilité de la mère C’est la mer… Elle  est calme… à gauche, il y a   l’horizon, à droite.. des plages plates, sans relief… il y a un phare, sur la plage, il est rouge et blanc, c’est une grande colonne de béton, et au-dessus, il y a cette lumière de phare, très puissante… il me parait immense… j’aurais envie de rentrer dedans, je sens un sentiment de sécurité… c’est la seule chose dans le paysage qui rappelle l’humain… que je suis pas complètement perdue.

        – Un deuil non fait

Marguerite a perdu son père, charpentier, qui est tombé d’un toit. Elle avait 13 ans. Si les gens se sont émus pour le chagrin de la mère, personne n’a aidé les enfants. Dont Marguerite qui a fait une tentative de suicide… et dont le frère s’est moqué…

on dirait un bateau…. un  voilier des temps anciens couché sur l’eau.. sur la longueur.. comme si j’étais au-dessus.. je vois le mat… le bateau avec le mat.. ça fait comme un squelette

Après le décès du père, la mère, dépassée, purement fonctionnelle… n’apportant pas la sécurité nécessaire, le frère de 16 ans, violent,  a pris le contrôle de la maisonnée. Ce qui a eu pour conséquence un effacement encore plus important de la patiente.

Ça ressemble à une mer très, très foncée.. on dirait qu’il y a   un bateau dessus… très, très flou… on dirait qu’il y a   de la vapeur.. la vapeur monte dans le ciel.. on dirait qu’elle vient de la cheminée du bateau.. il y a   un côté sombre..  un côté flou et un côté très sombre de l’image.. la mer est très houleuse, et je serais pas rassurée d’être sur un  bateau pareil  …ce doit être une mer froide… elle doit pas être chaude.. il n’y a pas de port… pas de vue sur rien… …

Et dans un autre Rêve Éveillé :

ça fait effectivement comme un arbre coupé en 2.. derrière, y’a de l’écorce… un feuillage pas ordinaire… …je sais pas.. En plus, je me dis c’est une variété rare.. c’est peut être un arbre qu’on aurait dû protéger, au lieu de le massacrer..   Il est bien coupé en 2.. alors, voilà, quoi ceux qui ont fait ça..  avec des engins destructeurs… Ils ont fait ça avec un engin électrique… j’ai l’impression que c’est encore plus violent que quand on coupe  les arbres, des bûcherons qui connaissent leur job, ils font pas ça n’importe comment.. alors que là, c’est net, mais c’est ….  On abat pas les arbres dans ce sens-là..   j’ai pas l’impression qu’on l’ait fait pour le bien de l’arbre.. pour qui.. pour quoi ??… c’est peut être des gens qui ont voulu essayer.. ou faire…  s’amuser.. Je sais pas.

 – L’abus sexuel  (Violette)

C’est une grande montagne toute bleue avec la neige dessus.. c’est Evian, l’eau de source, la pureté des montagnes.. il y a   des oiseaux noirs, comme des corbeaux… qui tournent en rond autour de cette montagne, pointue.., ils créent un mouvement autour de cette montagne.. en fait, c’est pas de la neige, c’est comme du fromage blanc, ou du sperme, quelque chose de blanc, collant, d’épais. (….) il rentre dedans…il fait le mouvement d’un fil avec une aiguille, il sort, il rentre… l’aiguille en fer tire le fil.. elle est autonome, piquante et glaciale….ça me fait penser à certains médecins qui prennent pas en compte notre corps, comme certains gynécos.. elle, elle est là pour coudre peu importe si ça fait mal….je me sens seule.. avec le partage ou le dialogue, , je pourrais dire à l’aiguille fais comme ci ou comme ça, ou aie.. mais je suis pas entendue.. il y a   deux êtres vivants, et c’est comme s’ils étaient chacun seuls …( …) elle se tait.. j’ai vu et senti,.. l’aiguille pénétrer dans la peau.. la résistance de la peau et la force et la pénétration  ..(…) elle aurait pu demander est- ce que tu serais disponible pour m’accompagner, , .. être témoin de ce que je vis.. 


II – Conséquences. Le sentiment d’être hors de la vie
, fou

L’absence d’horizon s’exprime souvent par l’image de l’hôpital psychiatrique, et aussi par l’image des bagnards, qui n’ont même plus besoin de garde chiourme, tant l’emprisonnement est intériorisé..

Il y a une personne, pieds nus… habillée d’un pyjama, une chemise et un pantalon blanc… c’est comme un paradis, pourtant, c’est l’enfer… j’aimerais l’aider, à sortir du cauchemar, la sortir… si elle est là, c’est que ça va pas dans sa tête… …je cherche, c’est comme un couloir de la mort… …comme une morte en train de se décomposer.. elle est sur son lit.. (ressenti ?) de la tristesse, du dégout.. par rapport à ce qu’elle est devenue.. et encore cette impuissance, me dire que même si je dialogue, je pourrai pas me faire entendre. (Violette)

Il y a quelque chose qui coule de son museau.. comme si elle était malade… on a déjà commencé à trouver le petit truc qui allait pas, je lui ouvre la langue.. elle est bleue… il y a  quelque chose en elle qui la détruit… je peux rien faire… je sais pas quoi faire… je suis impuissante… je peux rien y faire, c’est à l’intérieur. (Violette)

Rosa :  il a un boulet qui sert à rien, en fait, parce qu’ en Guyane, s’il s’échappe, il mourra d’une autre manière, quoi… …je m’imagine bien être ce bagnard.. avoir cassé des pierres… tous les muscles du corps endoloris c’est comme si … comme l’ensemble de l’esprit qui est pareil, tourné vers la souffrance, l’absence de liberté, de rêves, de projet, d’avenir…  

Lilas : j’ai l’impression qu’ils sont affaiblis.. comme s’ils avaient faim.. ils travaillent au ralenti.. comme s’ils avaient plus de souffle… y’en a qui doivent avoir mal au dos.. ils se tiennent penchés en avant.  .je vois même un vieil homme  au fond, il a un long nez… Pareil.. il travaille comme les autres… y’a aussi autre chose : ils sont surveillés par personne….

 

III – VERS UN NOUVEL EQUILIBRE

Grace au récit du Rêve Eveillé, ce récit qui devient partagé, alors qu’il était enfoui, refoulé dans l’inconscient, le patient/la patiente peut se libérer du passé ; retrouver un meilleur équilibre entre l’Enfant, le Parent, l’Adulte, voir ses cauchemars nocturnes se transformer en rêves apaisants et dynamiques.

a ) Retrouver le désir de vie de l’Enfant

Marguerite renoue avec son Enfant intérieur.

J’arrose ce qui  ressemble à une tombe… d’enfant…  mais c’est une tombe  que je connais pas… je l’arrose plus par acquit de conscience.. ça me chagrine de voir cette terre qui semble à l’abandon, ignorée.. ça représente pour moi une tombe d’enfant, .. mais y a pas de nom, pas de plaque ni rien.. .. j’en prends soin, en fait, parce que je ressens qu’il faut que je prenne soin de cette terre

Rosa retrouve la spontanéité, le plaisir de vivre. En  dehors du mental, du contrôle, qui avaient été son mode de vie jusque-là. C’est un homme qui l’amène à la danse. Ce n’est plus elle qui guide, contrôle  son partenaire.

 je suis une petite fille qui s’est glissée là, un peu en cachette, … j’ai les yeux qui brillent… je suis contente et très impatiente de voir arriver les personnalités, leurs belles tenues… et d’avoir réussi à me faufiler pour voir ces danses et cette musique qui m’étaient interdites parce que vu mon jeune âge… je devrais dormir.

Les émotions de l’enfant apparaissent intactes.

cet homme s’est approché de moi, je suis encore plus excitée qu’au début.. heureuse, joyeuse.. à l’idée de pouvoir participer à la fête… comme les autres…  j’ai 13-14 ans… je suis en train de danser avec cet homme qui m’apprend un peu les pas de danse que je connais pas trop de la musique baroque, entrainante.. c’est sautillant… dynamique…  de la joie… simple… mais en se laissant aller… sans avoir prévu quoi que ce soit. (Rosa)

Violette accepte de  se relier à des sensations simples. Elle se donne le droit d’exister. Le trauma réparé ?

Après s’être retrouvée  à construire une école décrivant les étapes de la fabrication. Solide, belle, elle dit :

Je vois une forêt bien vert foncé Je suis bien prise par ma construction, d’une sorte de tipi très simple.. je cherche pas l’aventure..  Je me promène à la lisière.. pour trouver des branches, des feuilles.. voilà, c’est  terminé… je suis satisfaite… je me sens plus légère ..c’est comme un ballon vide qui arrive à se regonfler de l’intérieur… je lève la tête et mon visage est plus éclairci.

Marguerite retrouve le père, mais sous une autre forme, qui lui permettra de le mettre chez soi, en soi… Ce qui lui permettra désormais d’avoir confiance dans son compagnon, de ne plus être terrifiée à l’idée qu’il la quitte pour quelques heures.. et lui, « curieusement », cesse d’évoquer constamment sa femme décédée….

Ce petit fagot de bois, Je le verrais bien sur la cheminée,  mais pour faire joli, …Il serait  toujours là,…. Et je suis contente d’ailleurs, qu’il ait intéressé personne…. Je trouve très surprenant qu’il y ait ce petit rappel de la campagne, de la nature.. tout d’un coup, alors qu’on est en pleine ville, entouré de béton,  et y’a ce petit tas de ..c’est plutôt de la joie.. pas de tristesse. Au fond de moi, j’espère bien le retrouver.. Je ne veux pas me l’approprier, je me l’approprierai si personne ne l’a repris…

  1. b) Le Rêve Eveillé permet d’équilibrer l’animus et l’anima

(L’animus et l’anima sont des archétypes développés par Carl Gustav Jung*)

Rosa, ayant développé un animus fort, dans des sports très masculins, ne s’autorisait quasiment aucun plaisir. Elle est tombée amoureuse d’un danseur professionnel,  s’est mise elle-même  à la danse, avec un bonheur sans mélange. Il a fallu d’abord équilibrer le « carré » et le « rond »..

Ça ressemble plutôt à une table, comme si c’était une table vue de dessus … donc, un meuble, quelque chose d’immobile, de figé.. faite en … c’est assez glacial, quoi…je me sens  pas très bien (pleurs) .. la couleur, les angles, la sobriété, la solitude.. triste.. probablement une sensation d’une part d’emprisonnement, et d’autre part, de faire mal avec les angles (pleurs) une marque de défense et d’agressivité cette table carrée, elle a aussi des… enfin… elle a le droit d’exister… oui… j’ai pas envie de me transformer en table ronde, .. en tous cas, pas définitive’… comme ça,  je mettrais une nappe dessus, beige clair.. je dresserais une table avec des couverts, des flutes de champagne, j’allumerais des lumières, peut-être même des bougies… sur la table.. je mettrais de la musique.. voilà…oui, je le fais… je me sens beaucoup mieux..  je sens un peu de chaleur, de douceur, du fait de cette nappe… mes angles sont moins aigus, pointus.. je me sens plus accessible, plus accueillante.. seule.. ouais.. (rit) un peu plus de la joie, du plaisir.. impression d’être plus  en accord  avec ce qui  me donne du plaisir, et du bonheur.. tout en ayant gardé ma forme initiale.. pas vraiment cachée, pas travestie non plus… j’ai trouvé un moyen sans casser la table et à communiquer… je sais pas comment dire…

Lilas va accepter sa part de féminité, d’intuition, l’accès aux émotions, lui qui a été élevé
« à la dure. »

Moi, je suis une femme.. cheveux courts.. châtain clair.. 30ne d’années.. je suis seule je peux être l’arbre…. j’ai les feuilles qui chauffent du côté au soleil.. l’autre moitié à l’ombre, au frais..  je régule la température.. j’ai la sève qui circule.. comme si on avait les.. comme si on était un tuyau d’arrosage avec de l’eau qui coule à l’intérieur.. comme si l’eau qui venait de la terre était fraiche et redescendait chaude.. la terre qui refroidit.. je sens un frottement de la sève sur mes bois, .. une circulation qui est accélérée..


  1. c) Retrouver le plaisir de la liberté.
    Et, bien dans ses ressentis, rétablir et équilibrer les corps physique, émotionnel, mental et spirituel. Images de l’air ou de l’eau.

J’avance, j’ai pas de souci de respiration.. une sensation vraiment agréable de .. c’est bizarre une sensation physique de mon corps  dans l’’eau.. le fait de glisser, d’avancer…. tout est très lent, dans mon déplacement.. je me sens très détendue….  .. c’est hyper-fluide.. mon corps est….   oui,.. comme en suspension dans l’eau… je me sens très bien.. c’est une sensation de paix, de bonheur.. du plaisir, évidemment.. Tout le contraire de la course à pied ou du vélo … … comme en apesanteur.. on bouge un peu.. le mouvement se fait naturellement.. et  ça me procure un état proche de la jouissance, de l’abandon, ouais…je laisse aller quoi .. je crois que je suis bien. (Violette)

(…) ça inverse les choses.. pas inversées complètement, mais… un peu en apesanteur dans l’eau.. ça change tout, en fait… Cette bulle,  je la vois souriante, et pleine de peps.. légère, libérée de… c’est le mot désinvolture qui me vient.. libérée, sautillante,  tournant sur elle-même… comme un  enfant qui joue, qui danse c’est de la joie… ça me fait rire… enfin… sourire.  Une joie toute simple… c’est vraiment plus enfant c’est pas la température de l’eau qui a changé… c’est la bulle à l’intérieur qui est chaude… (Rosa)

Voler… c’est difficile, même  de ressentir une température.. je sentirais plutôt l’effet de l’air, qui porte ou pas… sous mon corps., mes ailes.. avec lequel je peux jouer…  les changements de direction..  Je sens sous mon ventre, sous mes ailes… et je joue avec… je referme un peu les ailes, pour descendre en piqué et remonter, selon le courant qui me porte… c’est vraiment un jeu qui repose sur les sensations et pas tellement sur l’envie de faire… je retrouve peut-être des sensations de chute libre, de vitesse… c’est rigolo… agréable… (Rosa)

Etre bien au milieu de ses semblables.

Le premier, c’était un cerf.. je sais  pas.. ouais, ça pourrait marcher.. mais je me sentirais mieux comme une biche.. le cerf est très grand, le bois fait penser à une couronne, c’est très dominant très au-dessus.. très majestueux.. une biche me parait plus simple.. (où êtes-vous ?) à l’opposé de la cabane… vers la clairière… y’a beaucoup de vie, plein d’animaux…des chouettes, des oiseaux,  des renards, des fouines, des souris, des cerfs, des sangliers peut être aussi, cachés, .. ils sont là.. y’a beaucoup d’espèces, de diversité.. pas beaucoup de chaque espèce, mais beaucoup d’espèces..  Je me sens bien… Je suis relativement immobile… je mange.. je suis tranquille.. je regarde ce qui se passe autour de moi.. sans méfiance.. Je regarde les autres animaux, et je mange.. sans chercher à me cacher.. je suis bien. (Rosa)

Etre dans une dynamique quasi mystique.. Le « je » disparait presque au profit du « on ».
Le Moi a été suffisamment nourri, soigné, pour que la patiente puisse s’ouvrir au « nous » et les images deviennent des symboles universels, non plus particulières au patient, à la patiente.

C’est un très long couloir.. y’a de la lumière… je suis moi.. j’ai pas de sac, rien… les mains vides.. je marche, je suis plutôt sereine, j’ai pas de but précis,. c’est agréable de marcher, de pas avoir de sac à dos, sans entraves… regarder les murs, vieux, anciens, épais.. comme si y’avait eu des siècles  des siècles, des siècles… comme si y’ avait eu beaucoup de personnes qui ont fait le même chemin/moi.. y’a une imprégnation de tous ces gens.. passés par là…des siècles et des siècles de lumière…  tout ça a des résonances en moi… maintenant, y’a plus de sombre… y’a pas de contours, à part cette lumière.. sur le coup, ça m’a fait penser à  quand on décrit le ciel quand on arrive après la mort… quelque chose qui est toujours  dans la lumière… (Marguerite)

Et bien sûr, nous pouvons le relier à celui  proposé plus haut, dans lequel nous retrouvons ce sentiment d’être relié au monde, au cosmos,  dans un même  mouvement collectif. L’arbre, le cercle, le vent, le nombre, l’harmonie sont des images universelles.


Qu’en conclure ? les images parlent d’elles-mêmes…

Comme le dit Boris Cyrulnik, le récit de soi est indispensable si l’on veut se construire de façon satisfaisante. Mais lorsque le récit serait trop douloureux, la métaphore est LE support qui permet d’exprimer l’indicible.  Le Rêve Éveillé, du fait de son contenu métaphorique, à la fois suffisamment à distance, et suffisamment proche du trauma, permet aux récits enfouis les plus difficiles  de se frayer, masqués,  un passage jusqu’à la conscience.

Le Rêve Éveillé permet aussi l’accès aux forces profondes du Soi qui activent la réparation. Le vécu est ainsi plus satisfaisant, les relations aux autres plus fructueuses. Les patients retrouvent le goût de vivre, la satisfaction d’être au plus près de leurs ressentis. Leurs rêves nocturnes s’apaisent.

Pour ma part, je reste toujours émerveillée par la créativité des patients dès qu’on leur permet de se relier à leur imaginaire, et ce, quel que soit leur niveau social ou éducatif…  et par  les effets que peut avoir le Rêve Eveillé si on lui accorde toute l’attention qu’il mérite.