Une éthique de l’insécurité

Le 2 novembre 2023

L’AUTRE VERSION DES CHOSES

 

Voici un obsessionnel policé, contenu, bannissant toute agressivité manifeste dans son comportement. Que lui amènent, très rapidement, ses rêves‑éveillés durant la cure analytique par le RE ? Des histoires de violence, de meurtres, de mort et de sadisme. Et cette anorexique, qui veut tellement être conforme à une image idéale d’elle-même, pur esprit, découvre bientôt dans ses rêves éveillés dont elle est l’actrice et la productrice tout un monde glauque et humide, traversé de pulsionnel, surchargé de symboles sexuels. Le conteneur particulier qu’est le rêve‑éveillé analytique lui permettra de reconnaître qu’il y a « ça» en elle sans qu’elle fuie immédiatement, honteuse et terrifiée.

 

Ces exemples ne sont là que pour nous rappeler comment la cure analytique amène inévitablement la découverte par le sujet que le revers de la pièce est aussi « vrai » que l’avers, et qu’il doit faire avec un monde intrapsychique ambigu et contradictoire.

 

Peu à peu l’analysant va s’apercevoir que ses certitudes sur lui‑même vacillent, que l’histoire qu’il se racontait peut déboucher sur une toute autre version. Ce qui était «vrai» et ce qui était « faux », tout ceci commence à singulièrement se mêler, à se répondre dialectiquement.

 

Un pas de plus encore et il aperçoit que même cette deuxième version peut encore évoluer. L’ombre n’était là que comme contrepoint à un éclairage trop exclusivement centré sur un aspect ; la formation réactionnelle, la projection ne sont que des modalités de traitement du réel et non des vérités définitives.

 

Ainsi au fur et à mesure de l’analyse, les découvertes successives sur soi‑même amènent finalement à un «savoir» moins catégorique, moins sûr, mais paradoxalement plus fiable parce que plus souple et plus ouvert.

LE STATUT DU SAVOIR

 

Ce savoir, dont la caractéristique est de n’être jamais clos, nous renvoie à l’épistémologie freudienne, portant sur les processus du savoir.

 

Ces processus sont fortement marqués par l’origine de leur formation, c’est‑à‑dire les questions que se pose l’enfant, et particulièrement les plus remuantes, telles que «D’où viennent les enfants?», «Qu’en était‑il du désir de ma mère par rapport à mon désir pour elle?», «Ma mère a‑t‑elle un pénis?». Naissent les premières «théories», les théories sexuelles infantiles. Et le premier lien entre savoir et perte, comme l’exprime très bien Piera Aulagnier (1) : «Dans la même séquence il a accès au « su » (il saura le nom du désir de la mère) et au « définitivement perdu » (savoir qu’elle est désirante et désirée du Père : c’est la formulation même de l’interdit). Au moment où est satisfaite sa demande de savoir, le désir se trouve affronté à la vérité du savoir: ce qui est su est perdu au désir. De même que ce ne pourra être qu’une autre femme non connue qui pourra un jour prendre la place du premier objet dissous par la résolution du complexe d’OEdipe, de même c’est ce que du désir il manquera toujours à connaître, ce qui sera exclu du champ du savoir, qui se fera le garant de la résurgence du désir et de la pérennité de son statut de désirant. C’est ceci qu’énonce le savoir du Père introduisant à l’instance de la loi et venant interdire au sujet de « connaître » la Mère ».

 

Il va donc falloir faire avec le bouleversement que représentent : 1) la différenciation des sexes, 2) le fait que la mère désire sexuellement le père et non l’enfant. Et c’est bien par rapport à ces deux vérités et à leur poids de remaniement (castration symbolique) que va se jouer l’accès au réel et le traitement du savoir.

 

En fait le sujet pervers se construira sur un déni permettant d’éviter la perception insupportable de l’absence du pénis maternel. Il essaiera de s’épargner le savoir sur le danger en établissant un faux savoir (le fétiche) destiné à masquer le réel entraperçu. Le sujet psychotique ira plus loin encore substituant au réel une néo‑réalité où le savoir n’aura plus affaire qu’à du remanié‑transformé. Le sujet névrotique essaiera de fuir, de refouler un savoir qui l’amènerait à se confronter à un désir qu’il ne se sent pas capable d’assumer. Il déplacera ses fantasmes inconscients sur des scènes symboliques variées, fuyant encore et encore cette vérité qu’il recherche pourtant inconsciemment.

 

La position «normale» sera donc celle qui accepte l’inconfort que sont d’une part la tension, l’insécurité liées au désir de savoir, et d’autre part la déception sur ce qui peut être su, la découverte de son inévitable limitation/castration, le fait que l’accès au TOUT est toujours recherché et inévitablement mis en échec.

 

On imagine aisément que cette position n’est pas facile à tenir et que la tentation permanente est celle de clôturer ce manque en transformant un savoir en idéologie totalisante.

 

Or la psychanalyse, sauf à la dévier de sa ligne profonde, ne permet pas la constitution d’une idéologie, comme elle n’offre pas non plus une vision du monde. En fin de parcours analytique, l’analysant n’est pas plus muni d’un savoir définitif sur lui‑même que d’un choix de vie qui lui aurait été amené de l’extérieur. S’il a abandonné les mécanismes de déni et le fantasme d’auto-engendrement, il ne lui reste pas moins à gérer sa vie à sa propre manière. Toutefois, ayant traversé les aspects variés, changeants, contradictoires et même paradoxaux qu’il a pu découvrir dans son monde interne, il peut éviter d’une part de trop s’illusionner sur les choix qu’il va effectuer et d’autre part de trop s’inquiéter face aux incertitudes du moment.

LA TENTATION IDÉOLOGIQUE

 

Ce tableau concernant les processus de savoir, bien que schématique, nous laisse apercevoir comment nous avons constamment à choisir entre ce que R. Kaes a dénommé «position mythopoétique» et «position idéologique» (2).

 

La position idéologique est une attitude de fermeture, d’accrochage défensif à un certain savoir, à un objet idéalisé qui « ne tolère pas l’écart différentiel entre le désir et l’objet, entre le dedans et le dehors, entre le soi et l’environnement ». C’est à partir de cette position qu’une assignation univoque, récusant ambiguïté ou paradoxe, veut ne voir qu’une tête (pour ne pas la perdre … ).

 

La position mytho‑poétique, au contraire, « admet l’ouvert, la transformation, et les remaniements dans les assignations. Elle accepte la polysémie». Notons que pour pouvoir être tenue, elle suppose qu’aient été installées « les conditions nécessaires pour que la tolérance au paradoxe soit possible et que le paradoxe, c’est‑à‑dire la continuité dans la rupture, soit élaboré». R. Kaes ajoute : « Nous sommes là au coeur de la transitionnalité », et tout Analyste R‑E lisant ces lignes pourra dire « Nous sommes là au coeur de ce que le rêve‑éveillé en séance représente dans une cure analytique R‑E ».

 

Cette tentation de la fermeture, du repli sur un faux savoir constitué en savoir total (faux parce que se voulant sans faille) est donc inscrite au coeur de chacun d’entre nous, si l’on se refère aux positions névrotique, perverse et psychotique avec lesquelles nous n’en avons jamais tout à fait terminé. L’illusion d’un savoir totalisant (essayant d’éviter l’angoisse, et la reconnaissance de ce que Jacqueline Cosnier nomme « la béance constitutive de l’esprit humain ») est la voie facile en apparence. Et elle peut aisément s’installer au coeur même des lieux censés en être les plus à l’abri tels que le discours scientifique ou le discours psychanalytique, Certains écrits « psychanalytiques » dégagent ce parfum totalitaire, avec l’injure toujours prête, le sarcasme envers tout ce qui n’est pas de la chapelle, le langage truffé de signifiants codés à usage de reconnaissance des membres de la secte, etc. Face à de tels discours on ne peut qu’éprouver un malaise : quoi, tel grand scientifique, particulièrement susceptible de savoir que rien n’est définitivement acquis, s’exprime comme s’il n’y avait désormais plus de faille, plus de doute ! Partagé entre l’acquiescement aux vérités qu’il énonce et le refus du savoir absolu dont il cherche à nous illusionner, on a l’impression d’avoir à se soumettre ou à se démettre. Il s’agit, en fait, de retenir ce qui paraît valable dans ce discours, c’est‑à‑dire efficient à l’intérieur de la structure de connaissance de l’époque, sans se laisser fasciner ni rebuter par l’aspect idéologique.

 

Éviter de verser dans ces attitudes idéologiques suppose une certaine capacité à supporter l’inachevé, le contradictoire, le non‑définitif, une certaine capacité à supporter l’angoisse, un certain «courage». L’expérience analytique nous aura permis, si nous l’avons faite suffisamment en profondeur, de découvrir comment nos raisonnements sont des justifications, comment nous nous illusionnons quant à la conduite rationnelle de notre vie, comment nous rationalisons en permanence, et tout ceci au nom de l’évitement de l’angoisse et de la recherche d’une sécurité. Le désillusionnement libératoire passe par la possibilité de supporter l’angoisse.

L’EXPÉRIENCE ANALYTIQUE

Cette capacité de supporter l’angoisse est liée à l’établissement d’un conteneur intrapsychique fiable,

Le patient, qui vient généralement en analyse pour trouver une sécurité, une tranquillité psychique, est amené peu à peu à découvrir que son monde interne est une véritable foire d’empoigne faite de motions contradictoires, parfois même paradoxales. Or la confrontation au paradoxe, en particulier, est considérée par certains auteurs comme centrale : dans le domaine des thérapies centrées sur les psychoses, J.W. Perry (3) estime que l’évolution de la schizophrénie passe par une expérience centrale « qui affecte le mythe de l’émergence de mort et résurrection, par la coïncidence des oppositions et le passage par une épreuve bénéfique de pensée paradoxale ». Dans une perspective plus analytique, Winnicott est, bien sûr, un de ceux qui nous a le plus appris quant au paradoxe. Et un point sur lequel il insiste c’est que le paradoxe ne doit pas être « résolu », mais accepté, toléré, contenu jusqu’à ce que la créativité qu’il suscite permette de passer à une position méta. Ainsi, l’objet transitionnel est respecté dans sa valeur paradoxale (créé trouvé, externe-interne) ; Winnicott ne l’interprète pas, et demande explicitement que ne soit pas posée à l’enfant la question : cet objet l’as tu trouvé ou l’as tu créé?

Dans ces conditions « l’objet est voué à un désinvestissement progressif et, les années passant, il n’est pas tant oublié que relégué dans les limbes », «… pas oublié et on n’a pas non plus à en faire le deuil». La solution par le refoulement d’une des deux alternatives qui créent le paradoxe (ou trouvé, ou créé) n’est pas la bonne. « On peut résoudre le paradoxe si on fuit dans un fonctionnement intellectuel qui clive les choses, mais le prix payé est alors la perte de la valeur du paradoxe ». Si on ne cherche pas à le résoudre, par contre, on navigue dans un espace transitionnel, spécifiquement humain, permettant le jeu, l’art, la créativité, la religion. « Cet espace psychique dans lequel on peut mettre des paradoxes est un espace processuel » (R. Roussillon) (4).

Nous voyons par là que les mécanismes de défense peuvent témoigner d’une difficulté à gérer l’ambivalence, à supporter le face à face avec une situation ambiguë, contradictoire ou paradoxale. Dans cette perspective, refoulement, clivage, formation réactionnelle, renvoient à une recherche d’apparente sécurité : il s’agit de faire disparaître une des deux branches du paradoxe ou de la contradiction, à défaut de disposer d’un conteneur intrapsychique fiable qui puisse les héberger sans éclater.

Au nom de la mise en ordre, de la logique du bon sens (qui propose de supprimer un des adversaires pour supprimer le conflit) et du refus du chaos, le Moi est conduit à maintenir une énergie permanente dans ses systèmes de protection inconscients. La maxime du sujet qui vient en analyse pourrait être ainsi : « Vivre en insécurité inconsciente permanente au nom d’une apparence de sécurité consciente ». Or la maxime que va proposer implicitement tout le cursus analytique est un renversement de ces valeurs: vivre une apparente insécurité consciente (l’association libre avec la mise en veilleuse des processus secondaires; le rêve éveillé analytique avec le surgissement d’une pensée onirique «indomptée») pour que puisse apparaître une sécurité inconsciente solide.
A cette lumière, un sens de l’interprétation apparaît clairement : non pas vouloir réduire le paradoxe mais, au contraire, maintenir vivant le choc des opposés en pointant le regard sur « l’autre » version. Ana lyse, via di levare, dé liaison corrosive des diverses certitudes conscientes (du sujet non psychotique, tout au moins) ; les constructions sont là, par contre, comme contrepoint nécessaire pour donner son quota de logique au Moi conscient.

Peu à peu l’analysant va découvrir que « rien d’humain ne lui est étranger » ; que toutes les facettes d’une soi disant Vérité de son psychisme peuvent apparaître tour à tour ; que le choix entre ses diverses possibilités psychiques s’est effectué pour l’essentiel en fonction de l’Autre ( le vécu « historique ») ou en fonction de structures le dépassant ( les fantasmes originaires, le langage) ; que le vide, le manque, est le sombre foyer d’où surgit le désir, désir qu’aucun objet ne saurait satisfaire de façon définitive.

L’échec de cette recherche de sécurité, cette déconstruction conduit l’analysant à se délester des choix d’un passé dont il comprend mieux maintenant à la fois les divers tenants aboutissants et la contingence globale qui les marque. Cette distanciation le soulage parallèlement du choix d’un avenir tracé par l’Idéal du Moi, d’un « scénario de vie» élaboré à son âge précoce et qui n’était au fond qu’une réponse imaginaire, projetée dans le futur, à ces questions et fixations du passé. La flèche du temps, la ligne orientée du destin personnel est sérieusement remise en question. La vie est la danse du présent, le sens de la vie c’est tout d’abord de vivre l’instant tel qu’il est sans le surcharger des fixations du passé ou des illusions de l’avenir. L’analysant découvre que paradoxalement c’est en acceptant ses limites (différence des sexes, des générations, inévitabilité de la mort) qu’il peut prendre pleinement son expansion. Qu’en abandonnant l’aspect mégalomaniaque dont l’Idéal du Moi était saturé, il se trouve capable de vivre dans le présent, capable de réaliser, et de faire des choix existentiels dont il connaît par ailleurs la valeur relative.

Ayant stabilisé un conteneur relativement fiable, il peut se reconnaître contradictoire, ambigu, paradoxal, et trouver du plaisir à « surfer » sur les vagues de cet équilibre déséquilibré. La joie, l’humour, l’intensité du « surf » de, la vie sont liés à l’accueil de l’insécurité qui veut que « rien n’est jamais acquis à l’homme » et qui propose que l’acceptation de la mort et du changement soit la voie pour l’acceptation de la vie.

Cette joie du chevauchement des vagues est différente de la recherche inquiète et activiste d’un plaisir stable et sûr. Le principe de plaisir, l’épicurisme qu’il recèle, n’est pas ici démenti mais il a trouvé d’autres modalités : non plus essayer de fixer l’objet, ni le temps, ni même une image cohérente de soi même, mais faire de chaque moment une éternité, de chaque expérience une nouveauté.

L’ÉTHIQUE DE L’INSÉCURITÉ

Par conséquent, c’est mon hypothèse, la cure psychanalytique serait placée sous le signe d’une « éthique de l’insécurité ». Cette éthique proposerait les points de vue suivants : il est préférable de reconnaître le conflit et de l’assumer plutôt que de chercher à le méconnaître ; la vie psychique reste sous le signe d’une certaine instabilité, liée à l’inévitable choc des opposés et des paradoxes qu’il s’agit de contenir et de dépasser créativement ; un savoir relativement vrai passe par le désillusionnement et la castration, et il est préférable aux illusions ; tout savoir globalisant et définitif est suspect ; le courage de vivre dans l’insécurité (reconnue comme faisant partie de la réalité) est aussi ce qui est source de joie possible ; la vie se vit au présent, hors des apparentes certitudes que donnent les fixations du passé et les projets marqués par celles ci.

Ce qui nous amènerait alors à quelques réflexions finales sur l’éthique du psychanalyste lui-même, dans cette perspective.

Et en premier lieu à l’idée qu’un analyste sérieux est quelqu’un qui ne se prend pas au sérieux. Le jeu avec ses propres contradictions n’a pu que l’amener à intégrer une distanciation pleine d’humour vis à vis de lui même comme vis à vis de tout fonctionnement psychique. Ce qui n’implique pas pour autant un détachement émotionnel complet qui renverrait, dans la dialectique du clos et de l’ouvert (position idéologique ou position mythopoétique), à une attitude de fermeture. Neutralité… bienveillante.

Ensuite un analyste qui donnerait trop d’importance à la théorie se retrouverait là encore dans la « position idéologique». Accepter de vivre sa propre insécurité, c’est abandonner la rambarde théorico logique pour que surgisse un effet de vérité et de surprise, et donc une théorisation (ultérieure) plus riche. Attention flottante.

Enfin, désacralisant toute référence à des points de repères trop « sûrs », l’analyste est celui qui a su trouver un style. Un peintre ne peut être créatif qu’après avoir balayé les bases qu’on lui a apprises… une fois qu’il les a solidement intégrées. L’analyste, quant à lui, ne peut se concevoir que gardant un oeil amusé par rapport au « discours du Maître » et à la séduction qu’il en ressent, ou par rapport à l’Ecole à laquelle il est relié. Et surtout il doit savoir « surfer » dans le temps de la séance ; « sans mémoire et sans le futur de (son) désir » va même jusqu’à dire Bion.

En conclusion « l’analyste sans style » (mais il ne s’agirait pas là véritablement d’un analyste) serait celui qui se référerait dogmatiquement et dans sa pratique à une seule ligne théorique et méthodologique. Nous trouverions, ici, non seulement une profonde erreur mais un véritable manquement à « l’éthique de l’insécurité » qui doit être fondamentalement la sienne et qui seule lui permet de rester totalement ouvert aux vécus spécifiques, contradictoires, et paradoxaux du transfert de tel analysant, et du contre transfert qu’ils suscitent.

BIBLIOGRAPHIE

 

1- P. AULAGNIER, Le désir de savoir dans ses rapports à la transgression, L’Inconscient, n° 1, 1967.

2- René Kaës « Crise, rupture et dépassement » éd. Dunod, 1979

3- John Weir Perry « Le voyage symbolique » éd. Aubier-Montaigne, 1992

4- René Roussillon « Paradoxes et situation limites de la psychanalyse » éd. PUF, 1991

 

 

RÉSUMÉ : UNE ÉTHIQUE DE L’INSÉCURITÉ, par Jean‑Marc HENRIOT.

 

Bien des mécanismes de défense du Moi peuvent être compris comme l’évitement d’un savoir et la recherche d’une sécurité face à une situation intrapsychique tumultueuse. Le choc des opposés, le tiraillement des paradoxes, tout ceci est réglé par la « suppression » apparente d’une des deux parties en conflit. Or Winnicott nous a montré la richesse créatrice inscrite dans la possibilité de « contenir » le paradoxe. A cette lumière on pourrait dire qu’une « éthique de l’insécurité » sous‑tend la démarche psychanalytique : supporter le choc de l’ambivalence, faire le deuil d’une stabilité psychique rigide au profit d’un jeu avec l’instabilité, pouvoir vivre la spontanéité du présent. Cette éthique de l’insécurité supposant, par ailleurs, que l’analyste sache se déprendre de repères trop sûrs, pour être capable de s’ouvrir lentement au risque d’être surpris par l’analysant dans sa recherche spécifique.

 

HENRIOT J‑M. : « Une Éthique de l’insécurité» décembre 1989

 

 

SUMMARY: AN ETHICS OF THE INSECURITY, by Jean‑Marc HENRIOT.

 

Many defence mechanisms of the ego can be understood as the avoidance of a knowledge and the research of a security in front of a tumultuous intra‑psychic situation. The shock of the opposites as well as the friction of the paradox, are regulated by the apparent « suppression » of one of the two parties in conflict, whereas Winnicott bas shown us the creative richness inscribed in the possibility to « contain » the paradox. In this light, one could say that an “ethics of the insecurity » underlies the psychoanalytical process: to withstand the shock of ambivalence, to make the mourning of a rigid psychic stability at the benefit of an interplay with instability, to be able to live the spontaneity of the present. moreover, this ethics of the insecurity presuppose that the analyst knowd how to free himself from too sure points of reference, of be able to open himself fully at the risk to be surprised by the analyser in his specific research.

 

HENRIOT J.M. : « An Ethics of the insecurity »,  december 1989

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