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GEP

Un chemin qui a du cœur

Par 25 janvier 2021Aucun commentaire

Un chemin qui a du cœur

Les croyances

 

Nos croyances déterminent notre manière de voir les choses et par là notre façon de ressentir notre vie. Deux exemples illustreront cela. Le premier est celui de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine.

Voici une bouteille qui a du liquide jusqu’à la moitié ; le pessimiste va voir cet élément objectif à travers son filtre subjectif : « quel dommage, cette bouteille est à moitié vide ! » ; et l’optimiste, à travers sa propre vision des choses pensera, « chic, une bouteille à moitié pleine ! ». Tous deux confirmeront ainsi leur croyance sous-jacente, l’un de n’avoir pas de chance, l’autre d’avoir de la chance. L’un sera heureux d’avoir rencontré cette bouteille, l’autre en sera malheureux.

Deuxième exemple : un homme vient me consulter pour me dire sa souffrance car sa fille, adolescente, est devenue pleine de haine envers lui et l’agresse à tout propos ; il en souffre d’autant plus que lorsque celle-ci était enfant tous deux s’entendaient très bien. Je lui propose le recadrage suivant : « votre fille est si attachée à vous, vous aime tellement, que pour réussir à trouver son autonomie adolescente elle est obligée de déployer toute son agressivité. Si elle ne vous aimait pas tant, elle serait beaucoup moins agressive ». Cette intervention a suffi à changer une situation familiale qui virait peu à peu à l’enfer. Pourquoi a-t-elle eu cet effet de changement ? Parce qu’à partir de cette intervention, le père décodait différemment les agressions de sa fille. Auparavant il ressentait « elle m’agresse = elle me hait », et il réagissait vivement sous cette blessure. Maintenant il se disait : « elle est obligée de m’agresser, la pauvre, car elle m’aime trop » c’est à dire « elle m’agresse  = elle m’aime » .Du coup prenant ces agressions d’un front serein, il n’entretenait plus le jeu agressif, le ping-pong relationnel habituel, ce qui fît que bien vite la fille devint plus supportable et la situation globale plus détendue.

Conclusion : le sentiment de bonheur ou de malheur est lié à la manière dont nous décodons les choses, et ce décodage est lui-même lié à nos croyances sous-jacentes.

La « vérité » de chaque groupe

Or ces croyances ont, beaucoup plus que nous ne le pensons, partie liée avec les groupes d’appartenance auxquels nous sommes rattachés. D’une manière générale nous sommes beaucoup plus poreux que nous ne l’imaginons. Et nos choix subjectifs sont fortement dépendants de notre position dans le groupe et de nos interactions avec les membres de ce groupe.

Une approche familiale ou conjugale qui s’est développée à partir de ce constat s’appelle la « thérapie systémique ». C’est à dire que pour soigner le symptôme d’une personne (mettons une adolescente anorexique,  un père dépressif, un jeune enfant ayant des troubles scolaires) le thérapeute s’occupe peu du vécu de l’individu porteur du symptôme et beaucoup du système familial. Il reçoit toute la famille et cherche à comprendre les règles communicationnelles (issues des croyances) qui amènent des communications perturbantes et dysfonctionnelles et qui suscitent ainsi un symptôme chez l’un des membres de la famille. Ce qui est extrêmement intéressant, c’est de voir comment le symptôme présenté, individuel, peut disparaître quand les membres de la famille changent. Le groupe change (dans ses croyances, dans ses interactions) et la personne « guérit ».

Les premiers temps durant lesquels Chantal et moi suivions cette formation à la thérapie systémique, nous étions assez surpris de ce processus particulier. Mais une autre chose nous frappait, c’était de voir comment dans un système familial ou conjugal certaines croyances étaient partagées comme des « vérités » catégoriques, alors que dans la famille que nous recevions l’heure suivante ces mêmes « vérités » pouvaient être absolument différentes ou même opposées. Ainsi chacun baigne dans une ambiance groupale qui influe considérablement sur ses croyances de base sans qu’il s’en rende compte. Ses « vérités » personnelles subjectives sont dépendantes des « vérités » du groupe d’appartenance.

Mais lorsque l’adolescente anorexique décide de remanger, ou l’enfant scolairement en difficulté de se mettre à lire, ou le père dépressif de s’inscrire à une activité plaisante pour lui, chacun a le sentiment subjectif de choisir sa nouvelle attitude en toute autonomie, indépendamment de l’évolution des autres membres du système. Alors que pour le thérapeute la situation est vue d’une toute autre manière : les règles et croyances du groupe ont changé et il s’en est suivi un changement quant au symptôme. Cette capacité subjective  d’expliquer par de bonnes raisons les changements qui nous arrivent, et qu’ainsi nous nous attribuons, s’appelle la rationalisation. Celle-ci met de l’huile dans les rouages de notre fonctionnement psychique, car tout devient plus simple (« si j’ai fait cela c’est parce que cela »), mais en même temps elle nous éloigne de comprendre ce qui nous meut vraiment, ce qui se passe à un autre niveau.

Un autre exemple peut être rencontré en thérapie individuelle par tout thérapeute. Celui-ci par exemple démarre la prise en charge d’un enfant : il déploie son talent, l’enfant qu’il a en thérapie commence à considérablement changer (mettons après quelques mois de séance), et les parents viennent lui expliquer :  » Ah notre enfant change vraiment depuis que, ces dernières semaines, nous l’avons inscrit à … (de la danse, du foot, du cheval, etc.) ». Bien sûr ce nouvel acte posé par les parents (inscrire l’enfant à telle activité) fait partie du mouvement général de changement qui s’inaugure dans le système familial. Et bien sûr cette affirmation faite au thérapeute est une « ponctuation » qui permet aux parents de reprendre le pouvoir qu’ils craignent de perdre dans cette situation de changement. Naturellement le thérapeute ne va rien revendiquer et même il accompagnera le mouvement : « c’est très bien que vous ayez eu cette idée si pertinente ». Il n’empêche : le décodage subjectif fait par les parents (« il était bien gentil ce thérapeute mais c’est lorsque nous avons inscrit notre enfant à … que tout s’est décoincé ») est très loin d’une lecture faite par un tiers extérieur au système.

Nous sommes comme les poissons : nous ne pouvons prendre conscience du fait que notre milieu d’existence n’est de l’eau que lorsque nous en sortons, lors d’un saut dans l’air par exemple. Et seul un tiers, situé hors de l’eau, perçoit que notre milieu de vie est l’eau.

L’Idéal du moi 

Revenons donc au groupe. Nos croyances sont fortement influencées par le groupe mais nous n’en somme que très peu conscients. Ceci donne un statut particulier au phénomène de groupe.Et on peut s’interroger plus avant là-dessus : pourquoi le groupe a-t-il cette capacité d’influence ?

Des explications psychanalytiques approfondies et pertinentes ont été données sur ce point. Retenons simplement ce qu’en avait dit tout d’abord Freud : en situation de groupe se crée un Idéal du moi groupal qui vient provisoirement supplanter l’Idéal du moi individuel. (L’Idéal du  Moi est cette instance à l’intérieur de nous qui est porteuse des valeurs que nous avons collectionnées dans  notre histoire et qui orientent nos comportements). Généralement l’idéal du Moi groupal devra avoir quelques points communs avec notre idéal du Moi individuel, ce qui fait que nous n’allons pas adhérer à n’importe quel groupe. Mais ensuite il y a de fortes chances pour que le groupe auquel nous participons nous influence plus que nous ne le pensons.

Et c’est pour cette raison que le groupe est tellement utilisé dans tant de secteurs : la formation, la thérapie, les meeting politiques, les rassemblements religieux, etc. etc.

Effectuer le bon choix

La responsabilité de chacun c’est donc d’utiliser ce formidable outil pour son propre service et son propre développement. En effet le groupe pourra être un facteur de changement extraordinairement précieux s’il est à notre service. Provisoirement soulagé d’un idéal du Moi personnel névrotique nous allons pouvoir nous ouvrir à des expériences nouvelles, curatives, maturatives, et les inscrire dans notre registre d’expériences de façon à pouvoir ensuite (une fois sorti du groupe) changer notre rapport interne à certaines instances intrapsychiques destructrices. Prodigieux support, donc, que nous nous donnons ainsi pour nous développer ; à deux conditions cependant :

 

1)    que l’idéal du Moi groupal soit au service du développement personnel de chaque individu (redonnant ainsi la puissance groupale au psychisme de chaque membre du groupe)

 

2)    que le groupe ait une durée suffisante afin que les expériences nouvelles puissent être suffisamment vécues et intégrées.

Le GEP nous semble répondre pleinement à ces deux conditions. En effet, d’une part la durée du groupe est assurée au long cours ; et d’autre part les valeurs fondamentales du GEP sont la tolérance, le respect mutuel, l’acceptation inconditionnelle positive, l’écoute bienveillante de ce qui veut se dire à l’intérieur de chacun comme dans le discours de l’autre, la recherche d’une maturation qui permette de concilier les tendances psychiques contradictoires, et au bout du compte des valeurs démocratiques telles que la liberté (pour chacun de choisir sa propre voie), l’égalité (pas de Sauveteur, pas de Victime), la fraternité. Cet idéal du Moi groupal est au service de l’autonomie de chaque Membre du GEP dans une ambiance de respect qui en fait vraiment, nous semble-t-il,  « un chemin qui a du cœur … »