Supprimer le symptôme

Le 2 novembre 2023

Vous l’aurez compris, toutes les psychothérapies ou thérapies de toutes sortes, depuis les plus incroyablement farfelues jusqu’au plus rigoureusement scientifiques, peuvent attester de résultats positifs et de témoignages enthousiastes.

Cela tient aux facteurs communs non spécifiques. Ceux-ci sont principalement au nombre de quatre :

  • L’effet placebo
  • l’effet Rosenthal
  • la qualité de l’alliance avec le thérapeute
  • la motivation du client
  • l’effet placebo s’enclenche dès lors que chacun des interlocuteurs pense que la démarche entreprise va être guérissante
  • l’effet Rosenthal a lieu lorsque le « thérapeute » est persuadé que la personne qui consulte est porteuse de capacités puissantes, même si elles n’apparaissent pas au premier coup d’œil
  • l’alliance s’établit autour d’un positionnement du thérapeute qui la favorise, généralement à base de bienveillance, de respect, et d’empathie
  • la motivation dépend des moteurs qui ont favorisé la décision de consulter. La motivation la plus forte se base sur l’intense désir de sortir d’une situation trop douloureuse

On remarquera que tous ces facteurs sont indépendants du Savoir ou du Savoir-Faire du thérapeute. Non spécifiques ils peuvent amener une amélioration visible… que généralement le thérapeute et son client imputeront, à tort, à la méthode employée. Ce biais cognitif explique la floraison incroyable de toutes ces supposées méthodes thérapeutiques. On est à 400 ou plus, paraît-il. On pourrait en être à 1000. Il suffit qu’une personne érige en « méthode thérapeutique » quelque chose qui lui a fait du bien puis convainque ensuite des personnes en souffrance, en leur assurant qu’elle va pouvoir, grâce à sa méthode, leur permettre d’aller mieux.

On ne peut pas dire que cela soit irrémédiablement critiquable, car cela part généralement d’un bon sentiment, ou d’un désir d’être Sauveteur, mais cela rend plus difficile la mise en place d’une compréhension scientifique du noyau guérissant en psychothérapie.

Changement durable ou non

En effet, penserez-vous, si toutes donnent des résultats aucune n’est donc meilleure qu’une autre. Et bien, on pourrait se dire tout au contraire : si l’on découvre une approche psychothérapique qui donne des résultats nettement supérieurs à ceux que l’on peut attendre des « facteurs communs non spécifiques », alors on pourra réduire ces centaines de supposées thérapies et arriver à un très petit nombre, reconnaissables par le noyau dur sur lequel s’appuie leur efficacité.

Le critère de reconnaissance, de mon point de vue, est le suivant :

est-ce que l’approche thérapeutique en question

 amène un changement durable issu de la découverte

 par le client de nouvelles capacités désormais utilisables ?

Je vais m’expliquer sur ce point par la comparaison suivante : celle des maladies et ou des vaccins.

Lors de l’attaque du corps par certains virus, ou bien par les microbes atténués d’un vaccin, notre système intérieur développe des façons de réagir et de trouver ce qu’il faut faire pour traiter le problème. À partir de cette expérience, de cette lutte, de cette crise, du contact concret avec ces microbes, de nouveaux anticorps se mettront en place, existeront désormais, et pourront stopper toute éventuelle rechute de cette maladie.

Ainsi après cet épisode l’organisme sera maintenant :

  • d’une part pourvu encore de tout qu’il savait faire auparavant
  • mais augmenté, d’autre part, de capacités immunitaires qu’il n’avait pas précédemment et qui lui serviront ensuite parfois sa vie durant.

En somme, l’organisme a gagné en complexité, et en richesse adaptative.

Hé bien, la méthode psychothérapique ou les quelques méthodes qui sortiront du lot et seront supérieures aux simples résultats des facteurs communs non spécifiques, seront reconnaissables au fait que le client, comme on peut le voir lors des vaccins :

1)   aura été en contact direct avec l’origine de sa souffrance ou de ses symptômes

2)   aura découvert ensuite comment traiter cela

3)   et aura finalement su s’approprier cette découverte, qui sera désormais une nouvelle capacité en lui, persistante et protectrice.

La personne pourra donc durablement être libérée de ce qui avait été une sorte de maladie, de désordre psychologique, de problème à résoudre. Ayant découvert de nouvelles capacités, son identité se sera enrichie d’aspects autrefois inconnus ou négligés. Elle aura gagné en complexité et en capital adaptatif.

En suivant cette piste on voit donc que les premiers déterminants de cette thérapie (qui s’ajouteront aux facteurs communs non spécifiques, sans remplacer ceux-ci) seront les suivants. La méthode supposera :

1)   d’aller au contact de la souffrance, des émotions difficiles à vivre, des parties psychiques en lutte lors de la crise, source des symptômes

2)   une fois ce contact mis en place elle aura d’une part trouvé comment traiter et résoudre ce qui se joue, puis d’autre part développé ou découvert les capacités nécessaires pour en sortir

3)   et pour que cela soit durable le thérapeute aura su permettre au client de s’approprier pleinement ces nouvelles capacités plutôt que de laisser penser qu’elles sont liées au thérapeute lui-même.

La gestion du négatif

Ces critères vont nous permettre une réflexion sur les thérapies actuellement existantes.

Commençons par les thérapies recouvrantes. Avant de mettre en cause ces thérapies recouvrantes, dont le but est de s’attaquer aux symptômes pour les faire disparaître, je dirais qu’il est très compréhensible et très prévisible de les trouver en plus grand nombre.

En effet notre réaction spontanée face à un choc, un traumatisme, une situation douloureuse, c’est d’abord de se protéger de l’émotion perturbatrice qui est engendrée à ce moment-là. Même notre corps adopte cette réaction si l’on en croit les nombreux témoignages de personnes gravement accidentées dont le premier ressenti a été… de ne rien ressentir, d’être en quelque sorte anesthésiées.

Donc il est normal de commencer par se protéger en refusant de voir la douleur, en faisant le nécessaire pour qu’elle cesse immédiatement. C’est à la fois normal et sain.

MAIS lorsque la situation se chronicise et que le symptôme revient d’une façon difficilement contestable alors la démarche consistant à supprimer le symptôme est totalement inadéquate. Pourquoi ? Parce que le symptôme n’est qu’un signal, indiquant qu’un conflit interne se déroule. Supprimer le symptôme, ce serait comme arrêter la sirène d’alarme au moment où des voleurs cherchent à pénétrer dans notre maison plutôt que tenir compte de cette alarme et d’aller voir pourquoi elle s’est déclenchée. Supprimer l’alarme, c’est risquer un beaucoup plus grand danger ultérieur !

Or beaucoup de « thérapeutes » vont essentiellement proposer de faire disparaître le symptôme, faire taire l’alarme, tant pis si la maison est ensuite dévastée par les voleurs.

Vous êtes angoissé : prenez des anxiolytiques, prenez telle ou telle substance, faites telle ou telle action (vous aérer ; ou penser à autre chose ; ou faire du sport ; etc. etc.) pour empêcher ces angoisses

Vous êtes fatigué : prenez des vitamines, dormez plus, laissez tomber certaines de vos obligations, etc.

Vous êtes pessimiste et morose : pensez positif, faites la méthode Coué, entraînez-vous voir le beau qui vous entoure, etc.

Vous êtes déprimé : prenez des antidépresseurs, faites du yoga, aller prier, détachez-vous de votre petit ego, demandez à votre entourage de vous soutenir, etc.

Vous êtes insomniaque : prenez des somnifères, compter les moutons, respirez calmement, faites de la relaxation, etc.

Etc. etc. etc… On pourrait faire une gigantesque liste de toutes les stratégies destinées à aller contre le symptôme, afin de le faire disparaître. J’évite ici de citer clairement de nombreuses méthodes dites thérapeutiques car je susciterai trop de résistance de la part de tous les lecteurs adeptes de telle ou telle façon de faire. Mais je vous propose une méthode de repérage très simple. Posez vous la question suivante :

est-ce que la pratique proposée ou adoptée

 a pour but de faire disparaître le symptôme ?

Si la réponse est « oui » alors cette pratique est recouvrante. Et elle risque paradoxalement de pérenniser le problème : en supprimant l’alarme, elle peut amener des conséquences nettement plus importantes. En refusant le négatif en nous, pour privilégier exclusivement le positif, nous prenons le risque de retours de flamme violents, inattendus, ou sourdement destructeurs.

Mais, qu’est-ce que « le négatif » en nous ? Il s’agit de tout ce que nous refusons : la douleur, les émotions désagréables, les pensées morbides ou violentes, les différentes pulsions interdites qui s’agitent en nous, ou n’importe quoi d’autre que nous n’aimons pas percevoir en nous. Nous verrons plus tard que notre personnalité s’est bâtie en sélectionnant certains traits de caractère que nous trouvons positifs, et en refusant leurs opposés : par exemple, si je suis diplomate, attentif à l’autre, gentil, cherchant à faire plaisir, alors je me dois de refuser les aspects opposés : coléreux, égoïste, indifférent à l’autre, etc. Or ces aspects refusés continuent à exister dans l’ombre et cherchent parfois, dans certaines circonstances de notre vie, à émerger, à se faire reconnaître, à prendre le pouvoir à l’intérieur de nous. Comme les voleurs qui déclenchent le système d’alarme en cherchant à pénétrer dans la maison, ces aspects déclenchent alors en nous des signaux d’alarmes qui sont, par exemple, l’angoisse, la tension, l’insomnie, le stress.

Nous reviendrons ultérieurement sur ce point capital

Conclusion

En résumé provisoire et avant d’aller plus loin on peut dire que vouloir supprimer le symptôme est à la fois un mouvement que l’on peut comprendre et à la fois une attitude qui risque d’être dangereuse car ce négatif qui cherche à se faire entendre va surenchérir sa pression et ses ravages tant qu’on ne l’aura pas reconnu et traité.

Donc un conseil pour aujourd’hui serait le suivant : lorsque vous souffrez d’un symptôme, commencez par vous dire qu’il est la conséquence d’un conflit entre deux parties de vous-même (une majoritaire au pouvoir qui tient à garder son point de vue, et une minoritaire interdite qui cherche à s’exprimer). Nous verrons ultérieurement quel sera le pas suivant pour que la situation évolue favorablement.

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