L’ombre et la lumière
La P.N.L est une approche intéressante. Essentiellement parce que, faisant la synthèse pragmatique des approches «qui marchent», elle permet de mobiliser de la façon la plus pertinente les forces positives de réalisation personnelle.
Cependant elle est aussi, sans le savoir, très réductrice. Sa manière de «court-circuiter» les aspects négatifs néglige un aspect constitutif de l’être humain. Nos forces noires, nos forces destructrices, celles qui veulent notre mort ou qui nous poussent à l’échec, existent réellement. Il ne suffit pas de les ignorer, ou de vouloir les remplacer par du positif, pour leur échapper. Et même plus : en les refusant nous passons à côté de la richesse qu’elles contiennent.
Pour prendre une comparaison simpliste mais cependant efficace nous pourrions dire que conduire une automobile suppose de savoir utiliser aussi bien les freins que l’accélérateur, les forces qui font avancer et les forces qui freinent.
«Je veux réussir», et en même temps «je veux échouer». Que faire avec ce dilemme ? La réponse P.N.L., comme d’ailleurs la plupart des réponses proposées par notre culture, consiste à dire : «Passons par-dessus ces forces d’échec, remplaçons-les par de forts désirs de réussite, et tout ira bien». N’utilisons que l’accélérateur !
Ceci nous semble être non seulement une erreur, mais aussi un appauvrissement !
Une erreur en ce sens que, négligeant la partie de nous-même qui a peur, ou qui est encore comme un enfant face à certaines difficultés, nous nous violentons. Cet ardent désir «positif» ne prête plus attention à l’infantile en nous. Et celui-ci, presqu’inévitablement, finit par trouver un moyen de s’exprimer. Le plus généralement il choisit pour cela la voie de symptômes, physiques ou psychologiques (ulcère ou dépression, par exemple). Et c’est ainsi que notre «réussite» dans tel ou tel domaine va s’accompagner de troubles parfois très importants.
Un appauvrissement car, nous allons le voir, ces émotions «négatives» nous relient aux profondeurs mêmes de notre psychisme et représentent, de plus, une précieuse passerelle en direction de l’Autre, cet humain qui nous ressemble.
«Bonjour tristesse»
D’où viennent ces sentiments diffus, qui nous envahissent à certains moments : tristesse, nostalgie, désespérance, impression de vide, d’inutilité ? D’une source qui se situe au-delà du langage, dans les limbes de notre constitution psychique. En effet le Moi du petit enfant se constitue par un mouvement de décentration et de rupture avec le Soi.
Dans les tous premiers temps de sa vie psychique le bébé n’a pas une identité différenciée ; il se ressent lui-même comme un être diffus qui se mêle indistinctement à tout ce qui l’entoure. Ne se repérant pas comme limité au corps dans lequel il est, le bébé vit dans ce que Freud a dénommé un «sentiment océanique». On pourrait dire que ce vécu primaire est celui qu’atteignent les mystiques : ils se sentent reliés à tout, et ne se prennent pas pour «quelqu’un», pour une personne déterminée par son identité, son corps, son sexe, son histoire, mais à la différence du bébé, ils ont par ailleurs ce Moi conscient qui peut coexister avec ce vécu océanique, qui peut donc rendre celui-ci conscient.
Certes il est fatiguant de « se prendre pour quelqu’un » car cela oblige à des efforts constants pour s’efforcer toujours et partout de maintenir le mythe de cette fiction identitaire. Toutes les sensations, tous les sentiments, toutes les images mentales chargées de représenter le réel, toutes les expériences de vie, tout cela doit en permanence être mis au service du Moi et de sa perpétuelle construction imaginaire. Ce Moi n’est jamais assuré d’être définitivement construit, il pompe toute l’énergie disponible, et il occulte, sous ses clameurs permanentes, la petite voix du Soi.
Le Moi se veut « chef d’orchestre », mais il ressemble, en fait, à un enfant insécure. D’autant plus qu’il est flanqué d’un « parent » interne qui a toujours l’œil sur lui pour vérifier qu’il se comporte correctement. Et ce parent interne est en fait le dépositaire des désirs, fantasmes, attentes, des parents réels que nous avons eus ; ainsi que de toutes les figures adultes qui ont été importantes pour nous lors du développement de notre personnalité. Autant dire que nous passons le plus clair de nos forces à essayer de réaliser un « programme » de vie qui n’est pas le nôtre mais bien celui qui a été imprimé en nous ; ou qui, tout imprégné des visions irréalistes du bébé et de l’enfant que nous avons été, est d’une texture mégalomaniaque au regard de laquelle rien de ce que nous réalisons n’est considéré comme suffisant ou satisfaisant.
Une certaine conception de la P.N.L. s’adresse à ce petit Moi et lui dit : « Encore un effort ! En t’y prenant autrement, tu finiras par satisfaire ces attentes (idéales, mégalomaniaques, parentales, etc.). Et ton trou au cœur sera enfin comblé. Tu seras le Prince ou la Princesse. Les crapauds n’existent pas, la fortune t’attend, tu peux tout : regarde comment les autres, les modèles qu’il te suffit d’imiter, ont pu se réaliser, eux ! Fais comme eux ! » La P.N.L (ou d’autres approches « positives ») donnent les moyens au Moi de poursuivre sa quête, toujours plus loin, le mieux possible.
La dépression salvatrice
Vient un jour où le Moi en a marre. Il n’en peut plus. Il a tout essayé, peut-être même tout réalisé, et pourtant la souffrance, la nostalgie, l’insatisfaction, les doutes sont toujours là. Alors il plonge. C’est la déprime ou la maladie grave.
Et c’est aussi la chance d’une ouverture enfin différente. Grâce à la crise, qui ferme les portes sur les couloirs et les choix habituellement privilégiés, se profile l’opportunité de poser la question existentielle autrement.
Résumons en termes simples
Quel que soit notre âge réel, nous nous sentons fréquemment « trop petit (les autres sont grands, mais pas nous) ; décevant et déçu de ce que nous avons créé ou vécu ; pas à la hauteur » et finalement pas vraiment vivant. Nous rêvions d’être le Prince Charmant ou la Princesse Adorée, et rien de ceci ne se réalise vraiment.
Pourquoi ne pas chercher ailleurs que dans cette quête permanente de renforcement du Moi ?
Pourquoi ne pas s’ouvrir au courant de la vie en acceptant de se laisser porter par la rivière, là où elle désire nous emmener ? Après tout qu’avons-nous à perdre, après avoir tant cherché dans toutes les directions…
Pourquoi ne pas essayer la passivité réceptrice, accompagnée de l’acceptation inconditionnelle : oui, je suis ainsi ; oui, la réalité est telle qu’elle est ; oui, je ne connais pas l’Autre ; oui, la vie est plus mystérieuse que je ne l’aurais cru ; oui, il me manque éternellement quelque chose, et je ne sais même pas quoi ; oui, au plus profond de moi comme tout autour de moi, existent en parts égales l’Ombre et la Lumière.
Et, miracle, paradoxe, peu à peu l’acceptation de toute cette négativité, de tout ce sombre en nous comme hors de nous, laisse apercevoir une lueur inespérée, inattendue, imprévisible, qui se donne sans que nous ayons à la conquérir.
Nous étions à l’heure la plus obscure de la nuit et nous ne savions pas qu’elle précédait juste l’aube ; et que cette aube n’avait absolument pas besoin de nos efforts pour surgir. Il suffisait que nous acceptions de garder les yeux ouverts, sans chercher à manipuler ni la réalité externe ni nous-mêmes, pour apercevoir la merveille du soleil levant !
Comme on peut s’en rendre compte, après ce qui vient d’être dit, les divers éléments proposés dans la structure du GEP et dans les Entretiens d’Entraide Psychologique favorisent l’ouverture confiante à la puissance du Soi, à l’intérieur de chacun de nous comme dans les expériences que nous apportent la vie et les autres.
Les éléments de base du GEP et des EEP
L’acceptation inconditionnelle positive revient à : un renoncement à une position «active» face au problème, que cela soit le sien ou celui de l’autre ; un respect de ce qui veut se dire en nous, fût-ce sous la forme de symptômes, de rêves, de fantasmes, d’émotions, de sensations ; une reconnaissance et une contention des tendances opposées et contradictoires ; une confiance dans le fait que la sagesse issue de nos profondeurs finira par manifester ce qui est notre voie personnelle. Tout ceci favorise un lâcher-prise créatif, dont l’énergie nous surprend parfois.
La vie se met alors à sourdre, ou même à fuser comme un geyser.
« JE SUIS VIVANT, et c’est une merveille de chaque minute, même si cela n’exclue pas la douleur ».
Je rayonne, ouvert, lesté d’une sérénité que, dans le fond, rien n’entame : à quelques mètres, sous les vagues les plus agitées de l’océan, l’eau reste calme et le sable inchangé ! Même dans les pires tempêtes de ma vie, quelque chose au plus profond de moi reste stable et paisible ; et je peux m’y relier… si je pense à prendre le chemin en sa direction. Or le GEP propose justement ce rappel et les moyens d’y arriver.