L’Humanité n’existerait pas sans l’empathie

Le 2 novembre 2023

L’empathie est cette faculté de se mettre dans la peau de l’autre, et de voir et ressentir le monde à la façon dont lui-même le vit. Il semble que cette faculté soit si importante pour la survie même de l’humanité qu’elle est génétiquement inscrite en nous.

 

En effet, la découverte des « neurones-miroirs » chez l’homme (2010) a montré comment le fait de voir quelqu’un ressentir une émotion, ou faire une action induisait dans notre cerveau l’activation des mêmes zones corticales. Un peu comme si nous faisions nous-même l’action que nous sommes en train de regarder s’effectuer. Notre cerveau est en miroir avec le cerveau de la personne qu’on observe, et il développe à notre insu des schèmes de comportement similaires, même si objectivement nous ne bougeons absolument pas.

 

« L’émotion est communicative ». « Baîller incite les autres à baîller ». Etc…

 

Face au déferlement d’actes violents dont nous abreuve la télé, certains disent que s’identifier, à son insu, au tueur en série ou au violeur, permet au cerveau d’assouvir la pulsion interdite sans la passer à l’acte. D’autres disent au contraire que la stimulation si fréquente de ces schèmes d’action facilite le passage à l’acte si les conditions extérieures le permettent.

 

Quoiqu’il en soit, même si cette fonction miroir favorise l’empathie, elle ne suffit pas à créer celle-ci. Elle a plutôt un rôle d’allumage, de démarrage identificatoire. L’empathie, c’est prolonger ce mouvement et sentir  à l’intérieur de soi-même  comment est l’autre à l’intérieur de lui-même. Pour un temps se glisser dans sa peau et voir à travers ses yeux.

 

Cette capacité d’empathie peut se développer ; ou bien être freinée. Mais, lorsqu’elle est présente, elle crée alors une relation étroite avec l’humanité d’autrui. Je comprends l’autre, il ne m’est pas étrange, ou étranger. Com-prendre a pour étymologie « prendre à l’intérieur de soi ».

 

Pour cela je dois être suffisamment sûr de ma propre identité, pour ne pas craindre de me perdre dans l’autre. C’est la condition sine qua non. C’est la condition qui explique qu’un psy doive obligatoirement avoir fait un long travail profond sur ses propres craintes, ses refus, ses a priori, zones sensibles, douloureuses ou mal digérées, les sources de son désir, le sens de ses fantasmes, etc… de façon à pouvoir entrer sans peur en relation empathique avec toutes sortes de vécus bizarres ou douloureux amenés par le patient. Nous y reviendrons.

 

De nombreuses situations relationnelles de la vie courante deviendraient dramatiques si l’empathie n’était pas possible .

 

La mère doit accepter, pour un temps, d’être comme un vrai bébé, pour une part d’elle-même, de façon à percevoir par résonance intérieure et par empathie ce que son bébé est en train de ressentir. Sans cela, son bébé serait une sorte d’étrange étranger aux réactions incompréhensibles. Elle serait démunie de sa propre boussole pour éprouver ce que vit son enfant et pour y réagir correctement.

 

Un homme doit pouvoir accepter d’avoir une part féminine en lui, pour avoir une chance de comprendre et de créer une bonne relation avec une femme. La Femme en lui peut sentir, percevoir, vibrer à ce que vit la femme en face de lui. Et réciproquement ! En somme chacun des deux sexes doit s’accepter complexe : masculin avec une part féminine, féminine avec une part de masculin.

 

Tout ce qui permet l’alliance, le soutien mutuel, le respect, la bienveillance, la compassion, tout ce qui permet le lien à l’autre passe par l’empathie. Sans empathie, l’Autre, les autres, me semblent être des créatures assez incompréhensibles. Je suis obligé d’essayer de découvrir ce qu’ils ressentent par des observations, des raisonnements, des supputations, des hypothèses, toujours hautement aléatoires. J’essaie de les comprendre avec la tête à défaut de les percevoir avec le cœur. Certains autistes asperger de haut niveau expliquent très bien cette difficulté pour eux.

 

Face à ces aliens (mot qui veut dire : étrangers) je risque fort de développer une sorte de méfiance silencieuse, emplie de solitude. Ou bien avoir le sentiment que je suis moi-même une sorte d’alien dans un monde qui m’échappe. Nous verrons dans un post ultérieur les ravages que peut amener le déficit d’empathie.

 

Alors que, tout au contraire, percevant le vécu de l’autre par sa résonance empathique en moi, je peux découvrir que cet autre est fait d’une même pâte humaine que la mienne, et je peux alors ressentir envers lui l’amour et la bienveillance (amour au sens d’agapè).

 

Albert Cohen a écrit de magnifiques pages d’empathie envers Pierre Laval, seul dans sa prison et bientôt fusillé, alors même que cet homme avait été l’incarnation du mal envers les juifs et les gens de sa famille.

 

Avec l’empathie, je suis relié à l’âme essentielle de mes frères humain è et ceci permet la solidarité (par identification) è qui assurera la survie du groupe humain. L’empathie n’est pas un luxe mais une nécessité de survie.

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