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Fiche de lecture

Le rêve éveillé de l’imaginaire à l’inconscient

Par 25 janvier 2021février 3rd, 2021Aucun commentaire

Le rêve éveillé de l’imaginaire à l’inconscient

Nicole Fabre

présenté par Mélanie Pottiez.

 

Dans cet ouvrage Nicole Fabre retrace l’histoire du rêve éveillé, de sa création par Robert Desoille à aujourd’hui, notamment comme médium dans sa pratique en psychanalyse.

Elle pointe, à l’origine, l’intérêt scientifique de Desoille pour la transmission de pensée et le pouvoir de suggestion, notamment suite à sa rencontre avec Eugène Caslant dans les années 1920.

Ses valeurs humanistes lui font considérer ses recherches et expérimentations sur le travail psychique comme un élément nécessaire, favorisant plus de fraternité et d’humanité.

Charles Baudoin, créateur d’une école de psychanalyse et de psychologie en 1924, qui connut Jung, Freud et Odier, le soutient dans ces recherches. D’ailleurs, il écrit la préface de son 1er livre en 1938, « Exploration de l’affectivité subconsciente et acquisitions psychologiques ».

Nicole Fabre, en apportant des éléments historiques personnels et détaillés, relate les rencontres que Robert Desoille fera dans une société du début du XXème siècle, en pleine ébullition créatrice et expérientielle (surréalisme, hypnose, spiritisme, philosophie, psychanalyse, socialisme…).

Celles- ci lui apporteront matière à expérimenter des espaces de l’imaginaire, notamment le processus de mise en mouvement intrapsychique, en expérimentant la technique du rêve éveillé.

Cette technique, Desoille la modèlera peu à peu, en s’intéressant surtout à la suggestion comme stimulant de l’imagination. Pour lui, l’importance de l’image soutient la production du rêve-éveillé ainsi que le processus de changement lié au déplacement imaginaire dans l’espace imaginaire, et au mouvement d’ascension. Le mot « dirigé » lui aurait d’ailleurs été conseillé par la suite par Bachelard, pour éviter des confusions avec d’autres pratiques de rêve éveillé à l’époque.

Bien que se tenant à distance de Freud (pour qui les phénomènes de transmissions de pensées sont une aberration, d’une « inquiétante étrangeté »), Desoille s’intéresse quand même au processus thérapeutique du rêve éveillé, s’enrichissant à distance des travaux menés par la psychanalyse naissante.

Il semble être comme un électron libre, circulant et s’inspirant de la richesse des découvertes de l’époque, pour construire sa propre pratique et son cadre, malheureusement peu théorisé.

Nicole Fabre évoque sa rencontre avec Desoille, son expérience du rêve éveillé avec lui dans son cadre spécifique : espacement des séances d’une quinzaine de jours, semi-obscurité, expériences des mouvements d’ascension, les rédactions du rêve éveillé par le sujet…

Fabre s’en inspirera, tout en élaborant le cadre pour aller vers un axe et une compréhension plus psychanalytiques.

C’est à la mort de Desoille que le Groupe International du Rêve Eveillé Dirigé de Desoille (GIREDD) est créé, sous l’impulsion de Jean Guilhot, psychiatre. Celui-ci se nommera par la suite Groupe International Rêve Eveillé en Psychanalyse (GIREP).

Fabre continue sur les liens qui font sens, entre rêve- éveillé et pratique psychanalytique.

Elle part de l’image, l’imaginaire, l’imagination, en appuyant sa réflexion sur des références à Jean- Paul Sartre, Henri Bergson et Gaston Bachelard. Ce qui vient créer un parallèle dans le vécu de l’analysant en rêve éveillé, entre le champ de l’imaginaire et le champ d’une poétique.

Elle parle de la force de l’image en rêve éveillé, une image poétique singulière qui apparait comme une « concentration de tout le psychisme ».

La puissance du vécu imaginaire avec les déplacements, les mouvements de projection, d’introjection d’une symbolique, s’assimilent à un déplacement psychique réel. Ce mouvement dans cet espace imaginaire se relie également au temps psychique : celui-ci touche alors des vécus anciens, souvent archaïques.

Nicole Fabre note alors que tout cela est « un jeu », une dramatique sur une « autre scène », tout en faisant référence à Winnicott. Elle propose alors toute une partie sur le retour à un « soi archaïque ».

Elle fait des liens avec Freud et la régression, mais surtout Ferenczi et son intuition de la présence de l’enfant en l’adulte, et les travaux très riches inspirés de l’école analytique anglaise. Les balbutiements, les silences, les expressions en deçà du verbal peuvent marquer un temps fort de régression pour le sujet en séance.

Elle évoque aussi les vécus dits mystiques en rêve éveillé (importants pour Desoille) exprimant un sentiment d’infini, avec une impression de profonde paix intérieure. Elle les relie à une régression archaïque, des retrouvailles avec le soi caché le plus intime, avec la mère archaïque immense, contenante et proche. C’est la fonction- miroir du rêve éveillé qui se manifeste.

Penser le rêve éveillé dans la démarche analytique, c’est aussi l’explorer comme espace de désir, de tous les possibles : un désir déguisé, révélé, déployé et sublimé… .

Avec l’image qui accentue la capacité d’envahissement, le risque est d’entrer dans un lien fusionnel plus grand, mais le langage poétique du rêve éveillé facilite le partage du vécu affectif, pulsionnel et émotionnel du patient. Toutefois, le RE comme troisième pôle facilite l’expression et le traitement de l’intensité des vécus transférentiels.

Commentaires personnels

C’est un ouvrage accessible à toute personne désireuse d’en savoir un peu plus sur l’histoire du rêve éveillé, de Robert Desoille et les liens faits en psychanalyse, précisément dans la pratique de Nicole Fabre. Je le ressens comme un livre-hommage à Desoille et aux apports qu’elle en a reçus pour sa pratique de psychanalyste.

 

Points perçus comme positifs

J’ai apprécié la partie sur les liens qu’elle fait entre l’espace imaginaire, l’espace poétique et la psychanalyse. Ses sources plutôt philosophiques, mais aussi psychanalytiques, apportent une compréhension originale et enrichissante.

 

Points perçus comme négatifs

D’autres ouvrages expliquent peut-être plus clairement le rêve-éveillé en psychanalyse.

Parfois j’ai trouvé des passages un peu « fouillis », car beaucoup de détails historiques s’entre- mêlent dans sa réflexion.

 

Réflexion par rapport à la PRE (Psychanalyse Rêve Éveillé)

Sans grandes nouveautés quant à notre pratique, à ma connaissance, je trouve intéressantes la proposition et la réflexion qu’elle mène sur l’espace imaginaire, et les ponts qu’elle fait entre poésie et rêve- éveillé ; et de quelle manière ils peuvent mettre psychiquement en mouvement le sujet : « la poétique du rêve éveillé en séance ».

Est-ce que la lecture symbolique serait aussi une lecture poétique du rêve éveillé ? L’idée me plaît bien…