Le poids des étiquettes

Le 2 novembre 2023

L’effet Pygmalion est une « prophétie auto réalisatrice ». Les psychologues américains Rosenthal et Jacobson ont démontré d’une façon brillante comment l’idée qu’une personne avait sur une autre, même sans être du tout exprimée, produisait un effet sur cette autre.

 

Des professeurs, persuadés que tel élève avait un fort Q.I., induisaient à leur insu une meilleure réussite de cet enfant, si bien que celui-ci présentait de meilleurs résultats aux tests de Q.I. réalisés ultérieurement. Des étudiants, persuadés qu’un groupe de rats de laboratoire allait avoir de très mauvais résultats, ont observé, chiffres en mains, que leurs rats se révélaient nuls et inefficaces !!

 

Depuis, il a été abondamment démontré que les représentations que nous possédons intérieurement, les étiquettes que nous mettons silencieusement sur l’interlocuteur, influencent ce dernier à un point tel qu’il finit par se comporter avec nous exactement comme nous pensions qu’il allait se comporter. Le supposé agressif va devenir agressif, le supposé sympathique va montrer des qualités appréciables, etc., etc.

 

Evidemment, sans le savoir, nous transmettons notre idée dans la relation par de multiples canaux non verbaux, même si notre discours verbal est censé ne pas trahir notre point de vue secret. Les animaux (cf. les cas d’animaux « savants », dont on a compris comment ils puisaient la « réponse » dans les signaux inconscients et non verbaux de leurs maîtres) sont eux aussi très sensibles à nos a priori.

 

Bref et en résumé, nos idées sur les autres, et même sur le monde, et sur la vie en général présentent un fort pouvoir d’auto réalisation. Les autres, le monde, la vie viennent le plus souvent confirmer ce que nous avions prévu… et ceci nous conforte dans la justesse de notre vision. Cercle vicieux inconscient ! Mais puissamment effectif et capable de colorer une destinée.

 

Mauvaise nouvelle : ce que je crois, ce qui m’arrive, la façon dont les autres se comportent avec moi, n’est pas une «réalité objective», et mes croyances et convictions sont sérieusement entachées d’une bonne dose d’illusion et d’erreur. Mais cette illusion et cette erreur s’auto confirment régulièrement dans ma vie !

Bonne nouvelle : si ce qui m’arrive et la façon dont le monde se comporte avec moi sont en grande partie liés à mes idées, mes a priori, mes croyances (issues généralement de mes expériences infantiles) alors j’ai une possibilité, en travaillant sur moi-même, de voir le monde et les autres « changer », à ma grande surprise.

 

Tout ceci pose, au psychothérapeute, une vraie question, que nous aborderons dans d’autres post : les connaissances en psychopathologie, conduisant à mettre une étiquette sur le patient (il est… hystérique, obsessionnel, caractériel, état-limite, schizoïde, psychotique… que sais-je encore ?) ne risquent-elles pas d’être un véritable handicap pour la cure plutôt qu’un atout « scientifique » ? ! Ne risquent-elles pas, paradoxalement, de cristalliser le problème… en luttant contre celui-ci ?

 

En effet, une psychothérapie, une psychanalyse, reposent avant tout sur une interaction entre deux personnes, dans laquelle ce qui se joue dans le psychisme de l’un a une influence sur le comportement de l’autre.

 

D’où l’importance capitale, absolument essentielle, du positionnement intérieur du psy. Croire que le psy consulté est garanti dans sa compétence par des connaissances fouillées en psychopathologie est évidemment une erreur.Nous y reviendrons, bien sûr, puisqu’il en découle une grande difficulté pour la personne qui consulte : comment choisir son psy ? !

 

P.S . N’hésitez pas à tirer les conséquences de cet effet Pygmalion. Exemple : si je crois que l’autre est… mettons… paresseux, et que je cherche à combattre cette paresse, je vais avoir pour résultat inattendu de le conforter dans sa paresse… etc, etc.… (Et vice versa : si j’ai un a priori positif sur les capacités d’une personne celle-ci va les expanser).

 

Je sais… on a de la peine à croire à la puissance de ce système interactionnel…

Voir aussi

La crise, une chance

Introduction Précédemment, je vous ai souligné combien il était important de ne pas chercher à prendre le contre-pied du symptôme, de ne pas chercher à…
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