Le marathonien et l’insomniaque
Le travail, difficile et prenant, qu’effectuent les Responsables chaque année pour créer leur GEP m’a conduit à une réflexion sur les énergies qui sont les nôtres et qui nous permettent d’atteindre nos buts.
Deux types d’énergie
Il me semble que toutes les recherches convergent pour confirmer que nous fonctionnons avec deux types d’énergie contradictoires. Prenons quelques exemples.
Dans le corps nous disposons de deux systèmes. Le système « sympathique » (qui nous met en tension et sur le qui-vive), le système « parasympathique » (qui nous relaxe, nous ouvre, nous permet d’être plus sensible à nos intuitions).
Or ces deux systèmes sont antagonistes : si l’un est activé, l’autre passe au ralenti et vice versa.
Le Tao et les philosophies orientales nous parlent de deux énergies totalement opposées, contradictoires et complémentaires : l’énergie yin (plutôt féminine réceptive), l’énergie yang (plutôt masculine, active).
Le genre humain est divisé en pôles masculin et féminin, mais chacun de nous peut reconnaître plus ou moins ces deux aspects en soi.
Quelle énergie utiliser ?
Voilà une question fondamentale, et pas si facile que cela à résoudre. Pour atteindre mon but dois-je être tendu, sous pression, actif, vif, tenace ? Ou bien au contraire détendu, ouvert à ce qui viendra, plutôt passif, réceptif ? Suivant votre tempérament vous allez répondre plus spontanément d’un côté ou de l’autre. La sagesse populaire nous laisse d’ailleurs le choix et reconnaît la validité des deux approches puisqu’elle nous affirme deux proverbes contradictoires :
¨ « La Fortune sourit aux audacieux » (actif, « sympathique »)
¨ « La Fortune vient en dormant » (passif, « parasympathique »)
Or ce qu’il me semble souhaitable de comprendre, c’est que l’énergie nécessaire, celle qu’il s’agit d’utiliser pour atteindre « la fortune » (c’est à dire la réussite de ce que l’on désire), est différente suivant la tâche à accomplir, voici deux exemples.
L’insomniaque
Le dilemme de l’insomniaque tient au fait qu’il se trompe d’énergie. Inquiet de ne pas dormir, soucieux d’avoir son compte de sommeil, il va activer son système sympathique avec une volonté farouche de dormir : « il faut que je dorme ». Cette volonté, tendue vers son but « dormir », l’amène à se surveiller (« Ah ! Ca y est, je commence à plonger ») ce qui, bien entendu, l’empêche alors de dormir.
Plus il tend activement vers son but, moins il l’atteint. Et c’est un cercle vicieux dont il n’arrive pas à sortir.
Quand pourra-t-il s’endormir ? Quand il adoptera l’autre énergie (celle du lâcher-prise et de l’accueil confiant). Ce qui arrivera au moment où il se dira : « tant pis, je m’en fous si je ne dors pas, je ne m’en préoccupe plus, je me contente de savourer la chaleur du lit et de me reposer tranquillement ». Alors le système parasympathique prend le dessus… et la personne s’endort. Ainsi, paradoxalement elle atteint son but au moment même où elle renonce à le poursuivre.
Le Marathonien
Pour lui la situation est inverse. Il lui faut développer une activité sans faille, avec une ténacité exemplaire. A aucun moment il ne devra céder aux sirènes qui lui souffleront : « lâche prise, tu verras bien, Inch’Allah, etc ». Son énergie devra rester active et soutenue jusqu’à ce qu’il atteigne son but. Il est capital pour lui de rester dans l’énergie adéquate, celle qui le conduira inflexiblement vers son but.
En résumé l’insomniaque et le marathonien doivent chacun se positionner clairement et sans ambiguïté sur un seul registre énergétique, celui qui est adéquat à la tâche entreprise.
Les entrepreneurs, les Responsabes GEP, et l’énergie adéquate
Chacun d’entre nous, doit disposer des deux énergies et les utiliser à bon escient.
Pour la création d’un projet
Cette période requiert typiquement l’énergie du marathonien. Animée de cette énergie, tenace, déterminée, inflexible, travailleuse, la personne finit par mettre en place son projet. Créer et concrétiser un projet est un travail de marathonien.
Par contre j’ai de nombreux exemples de personnes qui, imprégnées de la richesse du « lâcher-prise » ont abordé la mise en place de leur projet avec l’idée : « si ça doit se faire, ça se fera ; il faut laisser la vie décider ; si c’est mûr, je n’aurai qu’à cueillir les fruits ; soyons optimistes et accueillants et tout se passera bien ». Le résultat est quasi toujours prévisible : le projet ne se crée pas.
Pour les EEP et les relations avec les participants
Là c’est l’inverse. Le lâcher-prise respectueux est hautement recommandé. Si le Responsable doit rester extrêmement ferme sur le cadre (horaires, présence, paiement, timing), à l’intérieur de ce cadre il lui faut être totalement acceptant de ce que chacun peut vivre et profondément convaincu qu’une énergie passive-réceptive (yin, lâcher-prise) est alors la plus adéquate. C’est en effet celle qui créera la confiance et l’ouverture chez les participants ; ceux-ci pourront se dire : « je vais jusqu’où je peux ; ce que je vis, c’est ce que je vis, au point où j’en suis, et c’est bien ainsi ; personne ne me poussera à aller plus vite que ma musique ».
Ainsi apercevons-nous là un point délicat : quelqu’un pourra être un très bon Responsable pour créer un projet et pour lui permettre de disposer ensuite d’un cadre ferme et sécurisant (énergie yang) mais il pourra être un mauvais Responsable lors du déroulement des Journées (trop actif, voulant trop aider, trop parler, trop faire le bien des gens, etc.). Et inversement on pourra trouver un mauvais Responsable quant à la création du groupe et au maintien du cadre, mais qui sera très bon dans l’écoute réceptive et respectueuse au cours du processus lui-même.
« Faire l’action, tout en restant détaché des fruits de l’action »
C’est à dire, si nous commentons ceci :
¨ « Faire l’action » : mettre tout le paquet avec détermination, ténacité, passion, d’une manière inflexible et engagée…
¨ Puis arrivé au bout de l’action (mais seulement à ce moment-là) lâcher-prise, se dire qu’on a fait tout ce qui était humainement en notre pouvoir mais que le résultat définitif dépend de bien des facteurs, dont il serait présomptueux (et culpabilisant) de croire qu’ils dépendent tous de nous.
Encore et encore, nous retrouvons donc cette ligne du GEP qui souligne que nous sommes complexes, contradictoires, plein d’opposés, paradoxaux, et que notre plus grande richesse est d’apprendre à co-exister avec ces divers aspects et à les utiliser au mieux, suivant les circonstances.