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le coeur métamorphe - Ecole Aide Psy

LE COEUR MÉTAMORPHE CHAP.9

Jean-Marc HENRIOT Fondateur de l’Ecole AIDE Psy

Réussir sa vie, c’est aussi se donner les chances d’établir des relations heureuses avec autrui et avec nous-même, et bien vivre nos comportements affectifs. Cela suppose un préalable : décrypter notre complexité psychique et émotionnelle apparente. Notre psychisme est constitué de différentes personnalités. Fruit de nos expériences, il abrite aussi l’enfant que nous étions, l’image de nos parents et des figures marquantes de notre histoire, les rôles que nous avons joués… Le cœur métamorphe désigne la possibilité de gérer cette incroyable mosaïque interne, qui détermine nos attitudes et qu’il nous appartient donc d’explorer et d’organiser, pour évoluer. Ce manuel synthétique et pratique expose des notions psychologiques fondamentales et leurs manifestations au quotidien. Exposés clairs et structurés, exemples, résumés et nombreux exercices nous permettent de découvrir notre boussole interne dont le nord magnétique serait l’équilibre émotionnel. Accepter de se voir tels que nous sommes, c’est saisir une occasion de créativité et d’ouverture humaine.

Chapitres

CHAPITRE 9. COMMUNICATION BROUILLÉE

LEURRES

 

Emotion masque

1)   Un de mes patients, le lundi lors de ses reprises de séance, affirmait souvent : « Mon week-end s’est plutôt bien passé » cependant qu’il présentait par ailleurs une poussée de diarrhées et des douleurs dans le dos.

En fait, en réaction à une fin de semaine très mauvaise, il cherchait inconsciemment, grâce à cette stratégie réactionnelle, à empêcher la survenue de la douleur qu’aurait entraîné la reconnaissance de ses conflits familiaux. « Plutôt bien » avait pour but de masquer « catastrophique ». Mais lui-même adhérait à cette histoire positive, plaquée sur la souffrance, et seuls ses symptômes signalaient le « mensonge » qu’il se faisait ainsi.

En somme son ressenti conscient, affirmé, était un leurre.

 

2)  L’Analyse Transactionnelle (A.T.), méthode de psychothérapie, a eu le mérite de souligner qu’une émotion, réelle, sentie, pouvait parfaitement se comprendre comme une fausse émotion destinée à en masquer une autre. On utilise, pour désigner ceci, le terme de racket ; et il s’applique lorsque la personne choisit de privilégier un sentiment au détriment des autres.

Ainsi, par exemple, un racket-colère conduira la personne à remplacer sa tristesse, ou sa peur, ou son dégoût, etc, par une conduite relativement prévisible : elle sera furieuse. Arrive une circonstance qui pourrait la rendre triste, elle montre de l’irritation. Chacun se trompe, dans ces conditions, sur la vérité de son vécu : elle-même et son entourage. Il s’ensuit que le point de vue masqué ne peut jamais être pris en compte correctement ni traité au bon niveau.

Le racket peut se rencontrer avec n’importe quelle émotion-masque. On verra, par exemple, qu’au lieu de se mettre en colère, ou d’avoir peur, une personne se sentira triste, négligeant les signaux précieux qu’auraient amené les autres émotions, et qui auraient indiqué la réponse adéquate à la situation. Dans son cas, la réaction stéréotypée est la tristesse. Mais on trouvera même des gens toujours souriants (« C’était plutôt bien », racket-joie) là où l’entourage blesse, néglige, agresse.

Ce dysfonctionnement entraîne de très nombreuses conséquences négatives.

La personne, démunie de sa boussole émotionnelle, adopte des attitudes qui ne donnent pas les résultats souhaitables. Exemple : je suis agressée… et je réagis par des pleurs… Que va-t-il se passer à votre avis ? Est-ce que cette attitude va calmer l’agresseur ? Tout au contraire, il va redoubler !

Ainsi l’émotion éprouvée risque tout à fait d’être mensongère et systématique, amenant de graves malentendus relationnels et personnels.

 

Rôles. Positions de vie

D’autres biais viennent fausser la perception de nous-même et du monde environnant. En voici deux :

 

Les positions de vie

1

– +

2

+ –

– –

3

+ +

4

 

Nous avons tous connu, durant notre enfance, une position  – +  (Je « moins » / les autres « plus », n° 1), c’est à dire le sentiment d’être plus démuni que les autres. Il nous en reste une fragilité, dans laquelle nous pouvons tomber quelquefois, décodant alors notre vie et nos relations dans un sens de dévalorisation. Nous nous sentons parfois de minables Victimes dépourvues, attendant que d’autres prennent donc des décisions pour nous, ou acceptant qu’ils nous malmènent à leur guise.

 

Toutefois nous pouvons adopter d’autres positions. Ainsi  + – (Je « plus » / les autres « moins », n° 2) prendra le contrepied de  – + , survalorisant en permanence notre narcissisme et nous faisant penser que les autres sont moins bien que nous ; ce qui aboutira soit à vouloir les Sauver, ces pauvres si misérables, soit à les Persécuter, ces crétins qui ne comprennent rien. Dans les deux cas, la relation se trouve biaisée : me plaçant en Sauveteur tellement au-dessus de toutes les vicissitudes de la petite Victime, je ne lui donne pas la confiance nécessaire, qui lui permettrait d’accéder à ses propres ressources ; pour nourrir mon ego, j’ai inconsciemment besoin que la personne aidée reste en-dessous de moi et par là-même mon attitude d’aide maintient la faiblesse de l’autre. Les aidants professionnels sentent donc la nécessité impérative de se déprendre des positions névrotiques de Sauveteur (souhaitant secrètement que l’aidé reste dans une situation de faiblesse, afin de se sentir eux-mêmes tellement biens) ou de Persécuteur (justifiant leurs agressions derrière le thème : « Rien ne vaut un bon coup de pied au cul »).

 

Seul le respect, qui découle de l’empathie et de l’identification, permet d’épauler autrui de façon correcte. « Je te tends la perche, et je sais que 50% du travail te revient »  Il s’agit, en somme, de renoncer à une prise illégale de bénéfice narcissique sur le dos du pauvre mouton victimaire. Difficile parfois de garder cette juste mesure quand l’interlocuteur joue férocement à la Victime cherchant à susciter par tous  les moyens des attitudes réactionnelles de Sauveteur ou de Persécuteur.

 

Deux autres positions de vie existent :

 

– – (Je « moins » les autres « moins », n° 3). Je ne vaux pas grand chose mais les autres et le monde non plus. Vision déprimée, déprimante. Et la dernière position de vie, enfin,  fruit d’un travail sur soi-même et reflet de notre maturité.

 

+ + (Je »plus »/ les autres « plus », n° 4 ) : « comme je suis, c’est suffisamment bien, et l’autre, même s’il apparaît totalement différent de moi, suit son propre chemin et possède sa propre validité ». Cette attitude de respect inconditionnel des êtres (le sien propre et celui de l’autre) permettra l’action la plus juste, car la moins soumise à une vision déformée. Respect de l’être n’empêche pas, bien sûr, refus actif de certains comportements.

 

Retenons que trois positions de vie sur quatre agissent comme des filtres déformants, à travers lesquels nous évaluons le monde et nous-même. Ces déformations nous conduisent à des idées fausses, à partir desquelles, en toute bonne foi, nous nous leurrons.

 

Filtres

Observons le schéma ci-dessus (dit schéma d’une économie négative)

La personne est appareillée de lunettes filtrantes. Quand on lui exprime quelque chose de négatif sur elle-même elle le laisse rentrer intérieurement (« Ah oui! On m’a encore dit que j’étais nulle, pas à la hauteur, etc… »). Mais quand on lui distribue du positif, un compliment, une bonne appréciation, elle le refuse (« C’est qu’il ne me connaît pas vraiment ! », « Tiens, pourquoi il me dit ça ? il cherche à m’avoir ! » etc.)

 

Elle peut même transformer ce compliment en agression :

†      Dis donc, tu as une jolie robe aujourd’hui

Ah bon ! parce qu’hier j’étais moche?!

 

(« On m’a encore fait comprendre que j’étais laide ! qu’est-ce que les gens sont agressifs ! »)

 

Quels vont être le vécu, le ressenti, la vision du monde, les croyances de cette personne ? Intérieurement : souffrance, sentiment de faible valeur.  Extérieurement : méfiance envers ces autres « si critiques », sentiment d’un monde où le mauvais seul existe. Ainsi se renforce la position  – – ( Je « moins », les autres « moins »).

 

Quelles attitudes relationnelles cette personne va-t-elle adopter ?  S’attendant à recevoir du négatif elle va être soit secrètement méfiante, sur la défensive, soit trop gentille, un peu collante, dans l’espoir de ne pas provoquer l’agression. En retour, bien entendu, l’interlocuteur va se mettre à distance (pour se décoller de cette fausse gentillesse, ou parce qu’il n’a guère envie d’entrer en contact avec quelqu’un qu’il sent sur la défensive). Cela confirmera le filtre initial : « l’autre ne m’aime pas et me tient à distance ! » et renforcera les convictions qui originent tout le système. Cercle vicieux destructeur !

 

Les « prédictions » opérées, préalablement à la rencontre, se réalisent ainsi et auto-alimentent le filtre déformant. Peu à peu la personne dessine une ligne de destin qui va la conduire à endurer dévalorisation, souffrance, solitude, quel que soit l’environnement dans lequel elle se situe du fait que, de toute façon, ses verres déformants sont toujours là.

 

Nous voici donc devant une question fondamentale, puisqu’elle peut orienter notre vie entière : comment apercevoir et enlever nos lunettes filtrantes ? Et corollairement comment aider une personne à découvrir que sa perception est altérée ? d’autant plus que les interventions destinées à lui permettre de « voir le positif » se heurteront au tamis (« Pourquoi me dit-il cela ? Il n’y comprend rien ! Cherche-t-il à m’embobiner ? » ou « Je sais bien que j’ai une vue objective des choses; la preuve : toutes mes expériences la vérifient »).

 

Nous possédons de grandes capacités à auto-confirmer en toute bonne foi inconsciente nos croyances et nos a priori (issus de notre structuration d’enfance) et donc à rester dans notre style de destinée, sans nous rendre compte le moins du monde que nous  forgeons / créons celle-ci.

 

Si ce n’était pas si dramatique pour tant d’entre nous on pourrait en rire comme avec la blague suivante:

 

Deux voyageurs, dans le TER Lyon-Roanne, sont assis face à face. L’un tient un gros sac sur ses genoux. Régulièrement il l’ouvre, prend une poignée de ce qui semble être une poudre, et jette celle-ci sur la voie, par la fenêtre.

 

Au bout d’un moment n’y tenant plus, son vis-à-vis engage la conversation :

–     Excusez-moi, monsieur, mais je suis curieux de comprendre ce que vous faites.

–    Je vais vous expliquer. Lors d’un séjour en Afrique j’ai eu la chance de rencontrer un grand sorcier. Celui-ci m’a donné ce sac de poudre anti-éléphants. J’en jette donc sur la voie afin que nous soyons sûrs de ne pas risque de dérailler en percutant un éléphant.

–   Mais, monsieur, il n’y a pas d’éléphant entre Lyon-Roanne

 

Et l’autre de répondre avec un clin d’œil et un sourire satisfait :

–   Efficace, hein !!

 

Nous sommes généralement semblables à cet homme, recadrant nos évènements de vie à  travers le crible de nos croyances pré-établies.

 

Comment sortir de là, déboucher sur une vision plus objective qui engendrera la richesse d’une vie infiniment plus variée et d’un « destin » fluide, mobile ? En partie grâce au respect et à l’écoute de nos symptômes ; et pour une autre partie avec l’aide des autres (ceux, du moins, qui ne sont pas dotés des mêmes filtres et qui nous permettrons, par conséquent, d’apercevoir nos propres lunettes).

 

Merci mes symptômes

Notre Soi central, notre Self dirait Winnicott, la « personne », le noyau sait que le « personnage » ment, se trompe, se leurre. Il va donc essayer d’exprimer cette vérité interdite. Mais comment faire circuler une information quand tous les médias d’expression sont censurés par le pouvoir en place ? En l’occurrence les trois façons les plus fréquentes sont les suivantes :

 

 

Symptômes

Physiques ou relationnels. Troubles gastriques, douleurs, fatigue excessive, etc. Le corps est un support privilégié puisqu’il parle avec d’autres voix que le mental conscient. Mais les symptômes peuvent être aussi relationnels : difficultés intimes, problèmes dans les contacts avec les autres, etc.

 

Bref, somatisations ou souffrances relationnelles nous indiquent que quelque chose ne va pas.

 

Angoisse

L’angoisse n’est qu’un signal d’alarme. Elle signifie : « du refoulé, non conscient, ou simplement interdit de pensée, fait pression pour tâcher d’être reconnu et entendu »

 

Comme on le voit d’après cette définition :

 

  1. il y a une différence avec la peur, qu’on peut ressentir face à un événement réel,
  2. nous pouvons tous la connaître, parfois, du fait même de notre agencement de base. En effet, ayant choisi de nous structurer en privilégiant certains aspects parmi les paires d’opposés (diplomate / agressif ; patient / impatient ; etc) nous subissons l’angoisse dès que le trait dominant devient trop dictatorial et ne veut plus entendre quoi que ce soit en provenance du pôle inverse.

 

N’être plus angoissé, ou beaucoup moins, passe par l’acceptation consciente de la complexité et du tiraillement interne entre les tendances antinomiques, tout en conservant une hiérarchie « démocratique » entre majorité et minorité.

 

Bref l’angoisse nous transmet : « Attention ! Quelque chose n’est pas si net et clair dans ce que tu crois penser, sentir, éprouver émotionnellement, etc. ».

 

Le chevauchement ruminatoire

Le mensonge, le leurre, la mauvaise foi inconsciente consistant à proclamer et « ressentir » un faux sentiment par rapport à celui du Self profond conduit au boycott de celui-ci. Nous ne voulons plus entendre sa parole, plus rien savoir de son opinion. Dans l’exemple cité plus haut nous choisissons « plutôt bien » et restons sourd à « qu’est-ce que je souffre ! »

 

Cette coupure, outre qu’elle conduit la partie refusée à se manifester par des symptômes, amène aussi une rupture du lien entre notre mental et notre Self. Notre mental est une « machine à penser ». Son unique intérêt se situe dans un travail de formalisation,  digitale-langagière, de ce que veut dire notre boussole interne (et sa créativité). Si ce mental est déconnecté de son maître, comme un cheval de trait délié de la carriole qu’il doit entraîner, alors il se met à galoper en tous sens, à vide, d’une façon inefficace et épuisante. En lieu et place d’une pensée fertile règne une « rumination » incessante. Celle-ci porte sur deux directions : le passé et le futur. Nous repensons stérilement à ce qui a eu lieu, à ce que nous aurions dû dire ou faire, etc, et tout aussi inutilement au futur, à ce qui risque d’arriver, à ce que nous devrons répondre, etc  (alors que, la plupart du temps, quand l’événement arrive, il se révèle  différent de ces prévisions).

 

Non pas qu’évaluer ses erreurs passées ou se préparer à ses épreuves futures soit inutile ; bien au contraire. Mais dans le cas qui nous occupe la « pensée » (c’est à dire une énergie issue de l’alliance entre Self et mental) ne fonctionne pas ; elle est remplacée par son ersatz, la rumination fébrile d’un mental décollé, capable de nous tenir des heures durant, et de nous empêcher de dormir, sans qu’il émerge de tout ce bruit quelque chose d’intéressant. Comme un moteur débrayé tournant à plein régime, qui brûle de l’essence, fait vibrer tout l’ensemble, assourdit le voisinage, mais n’a pas fait avancer d’un seul mètre le véhicule.

 

 

RESUME

 

  • l’émotion se révèle parfois une émotion-masque, stéréotypée, privilégiée au détriment des autres vécus
  • les positions de vie, et les rôles qui en découlent, déforment notre perception et induisent des cercles vicieux relationnels
  • sans en prendre conscience nous créons ainsi un « destin » qui pourrait être différent si nous accédions à une perception plus objective, moins « filtrée »

 

Du fait de ces biais, nous pouvons nous leurrer sur notre véritable ressenti.

 

  • les symptômes, somatiques ou relationnels, représentent une chance de comprendre le sens de nos difficultés
  • l’objectif de « bien communiquer » n’est guère efficace si nous n’avons pas d’abord pris conscience de nos lunettes déformantes

 

Poser le problème correctement

Comment allons-nous sortir du brouillard suivant : nous croyons être authentique avec nous-même, et objectif sur l’autre, alors que tout ceci découle souvent d’une vision déformée ? Il s’agit d’abord de recourir à l’observation de nos symptômes.

 

Voir quand ça ne va pas

Tant que mon patient adhérait au « plutôt bien »  et négligeait ses troubles gastriques et douleurs vertébrales, rien ne pouvait changer dans sa vie.

 

En inversant l’ordre de ses remarques, en constatant combien il allait mal ces lundis-là, il pouvait alors subodorer que quelque chose d’autre voulait se dire. Et par là entamer une démarche vers la vérité de sa personne profonde.

 

Donc, première nécessité : remarquer que quelque chose cloche. Pas si facile, puisque la douleur nous attend au rendez-vous. Nous n’avons pas pris l’habitude de l’accueillir comme messagère. Notre tentation sera donc de vouloir la faire disparaître : prendre des anxiolytiques (c’est à dire mettre du coton dans la sonnette d’alarme afin de ne plus l’entendre carillonner), des antalgiques, des anti-inflammatoires, etc. Je n’ai rien contre les médicaments mais je préfère les réserver à un second temps et surtout à un vrai danger. En effet nous n’effectuerons pas les avancées nécessaires si nous nous contentons de faire disparaître le signal. Et d’ailleurs le supprimer se révèle difficile : combien de « dépressifs » se bourrent d’anti-dépresseurs depuis 10 ans sans que la situation ait changée ! Imaginons que mon patient ait réussi à calmer tant bien que mal ses diarrhées et douleurs : il n’aurait fait que retarder l’évolution souhaitable (qui lui a permis de trouver plus tard un équilibre de couple très satisfaisant).

 

Chacun sait que la maladie caractérisée par la disparition de la douleur est une affection très dangereuse : les personnes peuvent se brûler ou se couper gravement sans s’en rendre compte. Psychologiquement, la loi est la même…

 

 

Chercher au bon endroit

L’individu doté d’une « économie négative » va donc conclure (revoyez le schéma) que son environnement ne lui distribue que du négatif. S’il poursuit son raisonnement, mû par sa vision « objective » de ses relations, mettons par exemple sur son lieu de travail, il va conclure à la nécessité de changer. Ayant démissionné et retrouvé un autre poste, que vivra-t-il ? Peu à peu les contacts nouveaux prendront une forme identique aux précédents… puisqu’il a emmené son filtre avec lui. Tout ceci le confirmera donc dans sa vision du monde et le désespèrera un peu plus. Comme disent les systémiciens : « plus ça change, et plus c’est la même chose »  Plus il changera d’établissements, et plus il vérifiera que rien ne fonctionne bien nulle part. Il sent pertinemment que quelque chose doit changer, mais il se trompe de cible : c’est son système déformant qui doit se modifier !

 

Du coup,  généralement, nous nous employons à changer l’autre. Mais le résultat se situe très en dessous de nos attentes. Prenons un exemple assez courant : Monsieur est alcoolique, et parfois très agressif quand il a bu ; Madame pense que cette vie est un enfer et que tout ira mieux quand lui changera. Un jour il réussit une cure de désintoxication (peut-être avec l’aide d’un groupe de parole et de psychologie). Il est désormais attentif, agréable, gentil, il amène des fleurs, etc…. Que croyez-vous qu’il va se passer ? Si Madame ne réussit pas à le pousser inconsciemment à boire de nouveau, au bout de quelques mois elle va…. déprimer! Comment cela, alors que son désir se trouve enfin réalisé ?! C’est qu’auparavant tout « le mauvais » pouvait se déposer sur lui. (« sans toi, sans ton alcoolisme…. je pourrais enfin vivre bien et me réaliser ») tandis que maintenant il se situe à l’intérieur, et elle ne sait comment le traiter.

 

Ainsi, modifier l’autre revient souvent à se tromper de cible ; et quand par hasard on y arrive nous voici face à d’étranges surprises. On découvrira, au fil du temps, que la meilleure façon de « transformer le partenaire » reste, en fait, d’évoluer soi-même. Positionné différemment je verrai l’autre, en retour, se placer autrement. Un livre entier d’exemples pourrait illustrer l’efficacité de cette attitude ! A la place, je me contenterai de la blague suivante, symbolisant la nécessité de porter son effort et son attention au bon endroit.

 

Une nuit, un homme en aperçoit un autre, sous un réverbère, en train de chercher quelque chose à terre. Il s’approche pour lui proposer son aide :

–        Vous cherchez quelque chose ?

–        Oui, j’ai perdu mon trousseau de clés.

 

Tous deux s’affairent à les rechercher. Rien. Le premier demande alors à l’autre :

–        Vous les avez perdues par ici ?

–        Non, répond l’autre, je les ai perdues à 20 mètres de là, mais ici c’est éclairé !

 

De même avons-nous souvent tendance à chercher les clés de notre existence à la lumière de nos convictions conscientes plutôt que dans la pénombre de notre inconscient…. Mais ce n’est guère efficace ; et ça peut durer longtemps !

 

Conclusion

Certes, affiner en permanence notre communication se montre un travail tout à fait utile et nécessaire. Mais il serait illusoire de croire que ce chemin se suffit à lui-même. En effet de multiples filtres biaisent ce que nous croyons dire, ce que nous pensons entendre, ce qu’il nous semble ressentir.

 

 

 

RESUME

 

Pour sortir du brouillard de nos filtres, il s’agit de :

 

1)  Voir que ça ne va pas et chercher le message (plutôt que vouloir supprimer le signal)

 

2)  Chercher au bon endroit, c’est à dire en soi, afin de discerner les parties de nous-mêmes qui veulent s’exprimer

 

3)  Ne pas se tromper de cible en voulant changer l’autre

 

Communiquer

Et pourtant il nous faut communiquer, même mal, même à tort, car c’est le seul moyen relationnel pour améliorer notre vie et pour mieux nous connaître grâce au retour des autres. Donc,  tout en sachant que, généralement, nous y arriverons avec difficulté (en toute inconscience) essayons quand même.

 

Principes à mémoriser

De toute façon vous l’aurez compris à la lecture des chapitres précédents, certaines lignes de compréhension peuvent rester à l’esprit, car elles sont en rapport avec la structuration psychique de chacun :

 

L’homme fils de sa maman, en rivalité avec son papa, gardera la trace de tout cela sous forme d’une crainte d’être envahi, commandé, dominé même s’il ne le montre pas.

 

La femme fille de sa maman, aspirant à voir papa aura, quant à elle, la crainte de se sentir abandonnée, non vue, négligée.

 

En gardant ceci gravé dans la mémoire vous saurez aisément ce qu’il faut faire et ne pas faire avec vos proches !

 

Conseils pour la communication verbale

 

Pour les hommes

Se mettre à l’écoute de leur femme avec bienveillance et attention. Tous les détails du comportement à adopter ont déjà été exposés. Je ne saurais trop vous suggérer de lire et relire cette page.

 

Pour les femmes

Pour elles aussi la tâche s’avère délicate. Comment faire entendre ce qu’elles ont à dire, sans que le conjoint réagisse avec susceptibilité? Il y a là une ligne de crête étroite à parcourir.

 

1)  Tout d’abord il est nécessaire qu’il ne soit pas en train de faire autre chose, sinon il ne vous écoutera que d’une oreille. Ne faites pas l’erreur de lui dire « malgré tout » (et en parlant plus fort) ce que vous avez à transmettre, car cela sera de la peine et du temps perdus. Il n’en aura rien mémorisé, ou quelque vague grande ligne.

 

Il faut donc lui demander son attention clairement et calmement (même si vous avez de la colère à exprimer) et attendre de l’avoir nettement obtenue.

 

2) Quand il vous écoute et avant de délivrer votre message préparez-le en lui expliquant que vous ne lui demandez pas de solution ni de réponse, mais que vous avez juste besoin de transmettre quelque chose qui se passe à l’intérieur de vous. Ceci est très important. En effet s’il peut « renvoyer la balle » (avec un bon conseil ; ou en se défendant de votre critique ou des suggestions par des arguments) alors la balle n’est plus dans son camp et il se considère comme quitte.

 

Si vous voulez qu’il conserve en lui ce que vous désirez lui dire, et qu’il puisse y réfléchir, il vous faut nécessairement le délester de toute réponse possible. Le moyen le plus sûr pour cela (mais si difficile à appliquer…) reste encore de lui dire : « Je désire juste te dire ce qui se passe en moi, sans t’accuser ou te demander une solution ».

 

3) Persévérez ! Les hommes n’ont pas l’habitude d’une communication allusive. Ils ont besoin que les choses soient dites clairement et répétées. Ne les accusez pas d’être sourds…. c’est simplement qu’ils n’entendent pas facilement… du moins en ce qui concerne vos besoins et attentes.

 

Leur tâche : apprendre à écouter vraiment, mais la vôtre consiste à cultiver la juste manière de dire en tenant compte du code de référence masculin

 

Communication et sexualité

Je vais peut-être vous surprendre mais en dépit de ce qu’on lit et écrit à ce sujet je ne pense pas que la communication verbale et formalisée soit la plus indiquée dans ce domaine. Du moins au cours de l’acte lui-même et dans sa périphérie.

 

Il y a des secteurs très intimes qui font beaucoup plus appel au non-verbal qu’au verbal. En effet, la communication verbale réfère à du psychisme élaboré. Plus nous nous approchons du primaire, du tripal, de l’archaïque et plus le verbe nous manque. A un bout de la vie l’infans, le bébé qui n’a pas encore le langage, à l’autre bout, le mourant qui ne peut plus parler et qui induit un accompagnement sous forme de présence silencieuse, accompagnée d’un discret contact physique. Et entre  ces deux âges, tous ces moments de corps à corps…

 

 

Les freins

Pourquoi y aurait-il donc des freins à l’échange verbal dans ce domaine sexuel ?

 

  •  passé un certain degré d’intimité profonde, ce niveau langagier, qui suppose une élaboration, n’est plus adéquat
  • l’enfance nous a habitué à évoquer le moins possible ces questions
  •  les femmes trouvent généralement peu romantique d’avoir à détailler verbalement ce qu’elles aiment ou ce qu’elles n’aiment pas
  •  les hommes ont peur qu’on leur « explique » et que cela suscite en eux le sentiment d’être incompétent. En effet, à tout moment, ils ont besoin de se sentir :

*       puissants

*       acceptés

*       appréciés

*       et qu’on leur fasse confiance

 

Dans ces conditions, comment leur faire comprendre ce qui ne va pas sans les voir s’écrouler ou se braquer ? non-ver-ba-le-ment…

 

Non verbal

  • Pour cela, il faut d’abord diminuer la croyance en une communication verbale-panacée. Le mot et les phrases peuventêtre utilisés dans certains couples, à titre d’excitation, ou pour se transmettre le sentiment amoureux, mais ils sont alors détournés de leur fonctionnalité habituelle
  • Il va falloir apprendre à s’exprimer mutuellement sur un mode corporel non-verbal. Comme si vous étiez muet, ou comme si vous faisiez l’amour avec un partenaire ne pratiquant qu’une langue étrangère.
  • Comme toute langue parlée, celle-ci demande un apprentissage. Ne vous attendez donc pas à la pratiquer du jour au lendemain.
  • Les points fondamentaux sont alors montrer ou suggérer. Montrer le geste attendu en prenant gentiment la main du partenaire ou en faisant soi-même le geste. Suggérer ce qui est bien par des gémissements ou des soupirs par exemple, et ce qui n’est pas bien, en arrêtant les messages précédents, en s’éloignant doucement, etc. Comme dans le jeu de « tu brûles » ou « tu gèles ».
  • Si vraiment quelque chose pose problème (une odeur, etc) montrer le comportement à adopter (entraîner vers la douche). Eventuellement signaler verbalement le problème, avec beaucoup de précaution, hors du temps de la relation sexuelle dans un cadre où la verbalisation pourra trouver sa place ; mais il s’agit là d’une stratégie extrême et qui requière beaucoup de douceur.

 

En finir avec les mythes

  • Non l’orgasme simultané n’est pas obligatoire et il s’agit même là  d’un souhait bien encombrant et anti-spontané, si l’on se braque sur sa réalisation.
  • Non, l’orgasme n’est pas requis à tout coup. Parfois une femme peut se sentir satisfaite sans forcément atteindre l’orgasme.
  • Non la relation sexuelle n’exige pas toujours le cérémonial nécessaire. Un « petit coup vite fait » peut être très bien si les deux sont d’accord, ou si la partenaire veut faire plaisir à son homme sans se sentir obligée de tomber en pâmoison.
  • Tout est possible entre les deux, à condition qu’ils soient tout à fait d’accord sur les modalités. Malgré les tonnes de livres de sexologie, il n’y a pas de norme. Et ceci se comprend d’autant mieux que, dans ce domaine, une foule de petites caractéristiques particulières sont spécifiques à chaque couple.

Jetez par la fenêtre tous les modèles ou standards supposés, que ça soit pour la jouissance, les positions, les lieux, les modalités. En effet un très grand nombre de problèmes de couples, angoissants, douloureux, etc, etc, sont dûs uniquement au fait que les partenaires se croient obligés d’être conformes à un type de comportement…. Au lieu d’admettre l’idée, simplement et tranquillement,  que la vie sexuelle du couple est une création spécifique dans laquelle aucune comparaison n’a sa place.

  • Enfin, là encore, les hommes se trompent sur les femmes lorsqu’ils restent interloqués devant leur variations. Une femme qui a eu une belle sexualité à un moment n’est pas pour autant installée sur ce niveau. Un  jour cela se déroule comme cela, un autre jour ce sera autrement. Elle a aimé telle chose, elle ne l’aime pas ce jour-là, suivant l’état du moment. Un homme a de la peine à comprendre ceci ; pour lui « si on aime ça, on aime ça, point ! ». Et avec une vie sexuelle régulière il aura tendance à oublier la légitimité de ces fluctuations et la nécessité de s’y adapter souplement. Il doit comprendre que l’humeur d’une femme varie entre chaque étreinte.

 

 

RESUME

 

  • Même si la communication est loin d’être la panacée elle reste cependant indispensable
  • Il y a la communication verbale où chaque sexe a son rôle à jouer : l’homme pour apprendre à écouter, la femme pour apprendre à s’exprimer de façon à être entendue
  • Et la communication non-verbale, plus spécialement dans le domaine sexuel. Sorte de langage corporel dont on apprend les modulations progressivement
  • Tout cela est plus facile quand on accepte d’en finir avec les mythes. On découvre alors que ce qui est bon pour le couple reste justement ce que ce couple spécifique a réussi à élaborer. Toute « comparaison » avec ce qui,  soi-disant, « devrait »  être devient une façon de saboter le travail créatif des deux partenaires

 

Pas de rubrique « Quelques Conseils » pour conclure, puisque toute la partie communication peut être considérée comme inspiratrice  de comportements nouveaux.

 

Mais quelques balises-repères pour terminer.

 

1)  Il est nécessaire d’exprimer ce qu’on ressent, afin de ne pas susciter l’effet cocotte-minute et ses conséquences. Une prise de risque constante s’impose donc à chacun dans ce domaine.

 

2) Celle-ci est plus facile lorsqu’on garde un certain humour envers soi-même, sachant que ce qu’on reproche à l’autre est peut-être faux, biaisé ou projectif (on attribue à l’autre ce qu’on ne veut pas voir en soi).

 

Du coup cela permettra les deux points qui vont suivre. Et paradoxalement vous aurez beaucoup plus de chances que ça bouge, que vos rêves se réalisent, que l’autre s’améliore si :

 

1)  Vous renoncez à vouloir changer l’autre. Vous vous efforcez de voir ce qu’il vous amène de bien. Et vous vous chargez de vous donner à vous-même ce que l’autre distribue difficilement

 

2)  Vous faites le deuil des attentes idéales à propos de ce que « devrait » être l’autre ou vous-même…