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le coeur métamorphe - Ecole Aide Psy

LE COEUR MÉTAMORPHE CHAP.6

Jean-Marc HENRIOT Fondateur de l’Ecole AIDE Psy

Réussir sa vie, c’est aussi se donner les chances d’établir des relations heureuses avec autrui et avec nous-même, et bien vivre nos comportements affectifs. Cela suppose un préalable : décrypter notre complexité psychique et émotionnelle apparente. Notre psychisme est constitué de différentes personnalités. Fruit de nos expériences, il abrite aussi l’enfant que nous étions, l’image de nos parents et des figures marquantes de notre histoire, les rôles que nous avons joués… Le cœur métamorphe désigne la possibilité de gérer cette incroyable mosaïque interne, qui détermine nos attitudes et qu’il nous appartient donc d’explorer et d’organiser, pour évoluer. Ce manuel synthétique et pratique expose des notions psychologiques fondamentales et leurs manifestations au quotidien. Exposés clairs et structurés, exemples, résumés et nombreux exercices nous permettent de découvrir notre boussole interne dont le nord magnétique serait l’équilibre émotionnel. Accepter de se voir tels que nous sommes, c’est saisir une occasion de créativité et d’ouverture humaine.

Chapitres

CHAPITRE 6. L’ART DE LA BOXE CONJUGALE

LA  COLERE

 

Voici une émotion importante, porteuse de quelques puissants avantages et de nombreux inconvénients

 

La bloquer

 

La pire des solutions consiste à refuser de la ressentir. En effet, dans cette éventualité, l’énergie coléreuse, non utilisée à un projet, ou non déchargée par une expression, reste enfouie dans l’organisme. Les conséquences sont alors les suivantes :

 

  • tension interne, malaise existentiel, somatisations (l’énergie des affects n’est pas refoulée mais réprimée ; tant qu’elle n’a pas pu s’écouler, elle cherche une voie de sortie. Les symptômes physiques tentent de drainer cette poussée)
  • fantasmes violents. On présente aux autres un aspect doux et compréhensif, mais la hargne, à l’intérieur de la cocotte-minute, cherche à se frayer une voie, à être reconnue. Elle investit alors le domaine des fantasmes (scénarios imaginaires). Surchargés d’énergie, ils prennent un tour dramatique ; leur objectif consiste à faire entendre au conscient qu’une fureur désire être identifiée. Mais ils n’atteignent pas leur but car la dramatisation avec laquelle ils représentent celle-ci effraie encore plus le moi… qui renforce alors son interdit. Exemple : gentil et arrangeant, je découvre des fantasmes (ou des rêves) dans lesquels me voilà terrifiant, violent, innommable, Mister Hyde ! Apercevant cet aspect, je suis saisi d’effroi, et je fortifie alors le choix de freiner toute expression coléreuse. Ma croyance pourrait se dire ainsi : « si jamais je me laissais aller à ce qui m’habite, je deviendrais un criminel ».

Il s’agit là d’une sorte de malentendu intérieur, source de souffrance. En effet, si je prenais cette question tout autrement, que j’acceptais et montrais parfois ma colère, tout le système s’inverserait : l’échappée de vapeur hors de la cocotte-minute permet que l’intérieur de celle-ci soit moins surchargé, moins sous pression. Du coup, mes représentations internes, allégées en affects, prennent une tournure infiniment moins dramatique. La peur de moi-même diminue, et je peux donc désormais laisser s’exprimer plus aisément mes émotions. Auparavant je n’arrivais pas à sortir d’un cercle vicieux : comme je freinais ma colère, mes fantasmes surchauffés me terrifiaient, et je décidais donc de juguler mon agressivité. Maintenant je passe dans le cercle vertueux inverse : la tension interne diminue, puisqu’une partie de mes émotions est exprimée ; mes fantasmes se révèlent donc plus paisibles ; et je perds la crainte de mon monde émotionnel, que je peux assez facilement extérioriser, etc. Moralité : si vous êtes hanté par une violence intérieure contenue, la solution se trouve du côté d’une certaine manifestation de celle-ci (dont vous apercevrez alors que vous la contrôlez beaucoup plus aisément que vous ne le pensiez) et non dans l’augmentation de la répression… On pourrait conclure par ce jeu de mots : « la pression se libère par l’ex-pression ».

Conclusion : il s’agit de rester en contact avec ses émotions, de les accepter quand elles sont présentes (ce qui ne veut pas dire leur laisser le pouvoir), pour éviter qu’elles ne s’enfouissent, et se transforment alors en symptômes ou en impulsion fantasmatique.

 

  • rumination . D’excessives spéculations mentales nous laissent épuisés, et signalent souvent que certaines émotions importantes cherchent à se faire entendre. Comme nous nous trouvons partagés entre les mécanismes destinés à bloquer les affects, et la tension qui désire s’évacuer, nous essayons de trouver ce qui ne va pas. Mais nous ne prospectons pas au bon endroit, c’est à dire du côté émotionnel, et notre pensée tourne alors à grand régime, autour de ses thèmes favoris (des circonstances du passé,  ou des moments à venir) sans amener cependant de véritables solutions.

 

Nous reviendrons plus tard sur ce point très important de la rumination. Notons simplement aujourd’hui que nous gagnons à établir une relation ouverte avec notre monde émotionnel ; et que la colère présente deux atouts incontournables :

 

  • elle nous apporte une puissante énergie (à mettre au service de notre meilleure réalisation)
  • elle conduit notre attention vers des points difficiles dans notre existence, et souligne que ceux-ci doivent être vus et traités.

La libérer

 

Reste qu’il s’agit d’apprendre à l’exprimer d’une façon utile. En effet, déchargée de mauvaise manière elle contribue à détériorer la relation ; d’autant plus que, fréquemment, le partenaire ne la gère pas de la même manière. Il peut se sentir gravement blessé par quelque chose qui apparaît bénin à l’autre.

A ce sujet, évoquons en passant, la caractérologie ; elle classe les personnes en « primaires » ou « secondaires ». « Primaire », ici, n’est en rien un terme péjoratif mais signifie « qui réagit immédiatement » ; et « secondaire » = « qui réagit seulement dans un temps ultérieur ». Un caractère primaire va ressentir tout de suite et exprimer aussitôt ; un caractère secondaire n’éprouvera rien sur le moment et, après un temps de lente perception interne, saura ce qu’il ressent et pourra alors l’exprimer. Ceci se vérifie jusque dans les réactions physiques des gens. Voici un exemple (réel, comme à l’accoutumée) : un couple, au restaurant, se régale de fruits de mer avariés, dont le goût est masqué sous une sauce très relevée ; dès l’après-midi la femme, primaire, tombe malade, vomit, perd toute envie de manger, etc ; l’homme, secondaire, se porte bien, rien à signaler, il dîne de bon appétit. Le lendemain : même tableau, madame reste incommodée et nauséeuse cependant que monsieur se sent en forme. Et le surlendemain, alors qu’elle commence à se remettre, il devient gravement indisposé et doit être mis massivement sous antibiotiques du fait d’une forte infection intestinale. Ainsi n’a-t-il réagi que secondairement, d’une façon beaucoup plus violente alors.

 

Or nous rencontrons souvent le duo suivant : l’un des deux, primaire, va exprimer sa fureur vite et intensément, mais oubliera rapidement ; cependant que l’autre, secondaire, surpris et blessé, découvrira sa propre colère après coup et mettra plus longtemps avant d’en sortir.

 

Qu’on soit primaire ou secondaire, il importe d’éviter l’utilisation d’une colère destructrice. Et celle-ci se manifeste par les aspects suivants :

 

  • « désignation » critique . « Désigner » signifie définir l’autre en apposant une étiquette sur ce qu’il est : « tu es une vraie hystérique », « tu es un pur trouillard ».

Les gros problèmes suscités par la désignation sont les suivants :

  1. au lieu de traiter d’un comportement précis, on définit négativement l’ensemble de la personne et cela ne fait que susciter son agressivité en retour,
  2. à force de délimiter quelqu’un suivant tel ou tel trait, il finit par se conformer à cette caractérisation de lui-même (et ceci se produit aussi avec vos enfants). Comme si, inconsciemment, la personne se disait : « puisque je suis soi-disant une (hystérique, égoïste, ou autre) alors autant me comporter ainsi ! ».

Il est donc dangereux de manier ainsi des désignations ! On finit par créer ou renforcer ce qu’on voudrait surtout voir changer…

 

  • dévalorisation-mépris . Ceci renvoie un peu à la catégorie précédente, et laisse habituellement des traces, des fêlures dans la relation. Accumulées, elles finiront par établir une véritable fracture. Les insultes lézardent fortement la relation, même si elles semblent être du langage courant pour les deux (connard, connasse, etc)

 

  • violence physique . Lorsque celle-ci survient plus d’une ou deux fois, on risque de dériver vers quelque chose de grave. Pourquoi ? Parce que tout ce qui passe en acte empêche la mise en pensée et en langage. L’acte « draine » l’énergie et empêche alors que celle-ci serve à autre chose ; il ne produit qu’une décharge de tension. Rien de constructif et de psychisé n’est possible sur ces bases.

 

D’habitude le couple se trouve en danger grave, et ne pourra pas s’améliorer par la seule grâce d’une meilleure communication, lorsqu’il y a :

 

1)  passage à l’acte systématique (insistons sur cet aspect chronique : une gifle ou une infidélité ne sont pas du tout identiques à de fréquents accès violents, contre l’autre, ou contre soi-même – tentatives de suicide-, ou à des infidélités à répétition)

2)  dépendance de l’un des deux envers quelque chose de destructeur : alcool, drogue, jeu, par exemple.

En effet ces points ne favorisent pas une mise en forme adéquate du malaise (c’est à dire : psychisée) ni une contention interne de celui-ci. Ils empêchent une mise en mots correcte, qui aboutirait, via la communication, à un changement fertile. Donc, ces cas requièrent la consultation d’un spécialiste extérieur.

 

En résumé, le premier pas va être d’éviter une utilisation destructrice de la colère. Les tempéraments « primaires » devront particulièrement rester attentifs à freiner leur impulsivité, cependant que les « secondaires » s’appliqueront à dire sans tarder.

 

 

 

 

RESUME
D’où un cercle vicieux : moins  j’exprime, plus j’ai peur de ce qui se passerait si je me Permettais cette expression.

Conclusion : les émotions exigent une certaine extériorisation, si l’on désire connaître le bien-être intérieur.

  •  œLes désignations : c’est à dire définir l’être de l’autre, plutôt que parler de ses comportements,
  • œLa dévalorisation, le mépris,
  • œLa violence physique. Toutes les formes de passages à l’acte freinent ou empêchent la mise en pensée nécessaire à une communication  correcte et efficace.

 

DANS  LA  SALLE  D’ENTRAINEMENT

 

Mise en jambe.  1

 

Que faire avant le conflit ouvert ?

 

1)   repérez la colère lorsqu’elle existe en vous et ne l’exprimez pas immédiatement, mais faites d’abord un travail intérieur grâce à elle :

 

2)  détectez les désirs d’enfant enfouis derrière cet emportement. Il s’agit donc de faire un chemin similaire à celui indiqué dans le dernier chapitre : voir ce qui, de votre enfance, est blessé ou réveillé par la situation actuelle. En agissant ainsi vous effectuez un geste essentiel, celui de poser le problème au niveau-racine. « Quand je ressens de l’exaspération face à tel comportement de l’autre, quelle blessure d’enfant se trouve donc réveillée ? Et de quoi aurait eu besoin / aurait besoin l’Enfant en moi ? ». Si possible, écrivez noir sur blanc ce que vous trouvez là afin de :

 

  1. diminuer l’intensité de votre irritation,
  2. vous préparer à formuler au plus juste et de la façon la plus efficace ce dont vous avez besoin.

 

3)  utilisez l’énergie de cette agressivité pour vous déterminer à manifester vos attentes relationnelles. Attention : après l’étape n° 2, précédente, certains pensent :  « Bon. Il suffit que j’aie pris conscience de tout cela, inutile d’embêter l’autre avec ça ! ». Ce choix n’est pas souhaitable. « Dire » est un moment crucial pour l’amélioration de la relation et le soulagement intérieur ! Il s’agit donc de se sentir prêt à saisir le moment opportun pour exprimer ce que l’on désire signaler ; et la vigueur de la colère vous aidera à ne pas oublier que vous avez quelque chose à exposer.

 

4) lors de la confrontation, dont nous allons observer les procédures concrètes un peu plus loin, soyez résolu(e) à vous limiter aux points suivants :

 

  • description des attitudes ou paroles qui vous ont mis(e) en colère
  • évocation de vos ressentis et du comportement de l’autre dont vous auriez besoin

Il s’agit d’énoncer sa plainte d’une manière efficace, sans tomber dans le blâme, la désignation, les injures, etc, qui amèneraient à coup sûr le résultat inverse.

 

Mais avant de monter sur le ring, puisque pour l’instant nous nous situons à l’entraînement, examinons quelques autres conventions réglementant la lutte conjugale.

 

Mise en jambe.  2

Le « noble art » de la boxe ne suppose pas de frapper n’importe où, n’importe comment. Les règles du conflit en duo impliquent des préalables : blesser l’autre le moins possible, certes, mais ne pas esquiver non plus ces nécessaires mises au point. Il reste inévitable et sain d’avoir à se confronter, parfois durement, lorsqu’on forme un couple (y compris tandem de collègues étroitement unis autour d’un projet, par exemple).

 

Pourquoi est-ce salutaire ? Parce qu’on « vide l’abcès » au fur et à mesure, et on évite donc l’installation de la maladie. Cela signifie, de plus, que les deux personnes se situent dans leur vérité l’une face à l’autre… condition vitale pour que la relation soit vivifiante et fertile. Prenons l’exemple classique des antagonismes virulents entre le père et la mère à propos de l’éducation du premier enfant. Bravo ! Cela signifie qu’aucun des deux parents n’est prêt à lâcher facilement son point de vue, parce qu’il confère une valeur primordiale à l’éducation de sa progéniture. Bien sûr d’autres enjeux sont en cause (s’adapter à la vie en trio) et cette étape demeure difficile à vivre, mais elle signe la qualité de l’investissement de chacun sur le bébé. Si l’un des deux (le père généralement) acceptait de céder le terrain, de laisser l’autre faire à sa manière, et de se retirer dans une certaine indifférence, le couple et l’enfant lui-même paieraient le prix fort pour cette apparence de paix.

 

Donc le ménage « colombe » n’est pas forcément plus souhaitable et plus viable que les époux « faucons ». Et les deux colombes risquent fort de se retrouver, à terme, avec un véritable mur de silence et de distanciation profonde entre elles.

 

Pour monter sur le ring d’une façon utile, il faut avoir établi : 1) dans quelle catégorie on boxe,   2) les signaux d’arbitrage qui seront respectés par les deux.

 

Poids lourd. Poids plume

Boxez-vous dans la même catégorie ? Si l’un affiche un poids lourd et l’autre un poids plume, le combat ne sera guère équilibré.

 

Le poids lourd entame le combat et distribue des arguments difficiles à contourner. Généralement la femme semble mieux équipée, car elle dispose d’une aisance langagière et d’une mémoire sans faille concernant tous les petits reproches accumulés. Le poids plume cherche à stopper le combat en l’évitant (il sort de la pièce, ou bien  se mure dans le silence). Cependant gardons à l’esprit qu’il s’agit là de larges classifications, rarement aussi tranchées.

 

Disons, pour simplifier que le poids lourd arrive habituellement à « clouer le bec » de l’autre.

 

Le danger serait que le poids lourd martèle son concurrent en toute bonne conscience, par exemple en se disant : « moi, je tiens mon bout de l’écharpe ; à lui de se débrouiller avec le sien »  Ce qui revient parfois à être dur(e) et violent(e) sans tenir compte des différences de « catégories ». Et le risque, du côté poids plume, se verrait dans une esquive trop facile grâce à de multiples stratégies d’évitement.

 

La tâche de chacun est donc différente, mais il revient plus particulièrement au poids lourd de laisser des possibilités d’expression, sans écraser immédiatement son rival sous un rouleau compresseur d’arguments ou de cris.

 

 

Les signaux d’apaisement

Voici un point capital. Le couple doit établir des stratégies et des signaux, destinés à stopper l’escalade, acceptés par les deux (comme les boxeurs se plient aux interventions de l’arbitre). En effet, la montée du conflit demeure le grand classique qui nous mène d’une petite remarque initiale à une remise en cause générale de l’autre et de sa famille d’origine sur plusieurs générations ! L’escalade doit absolument être stoppée et contrôlée. Comment faire ? S’appliquer aux aspects suivants :

  • reconnaître, au fil de l’échange, les quelques détails à propos desquels on peut admettre que l’interlocuteur dit juste, ou bien, à la rigueur, qu’il a ses mobiles, compréhensibles.
  • « Sur ce point-là, oui d’accord tu as raison, ou je te comprends (mais…etc) » est une phrase qui ralentit la montée en température de la discussion.
  • posséder des conventions, dont on aura pu discuter préalablement ou qui se seront établies par tâtonnements, destinées à calmer le jeu : « Là, on s’égare », « On ralentit un peu, d’accord ? », « Il faut qu’on fasse un break avant de reprendre cette conversation ».
  • demander le calme quand, intérieurement, on perçoit qu’on stresse trop fortement : « S’il te plaît, écoute-moi deux minutes, j’en ai besoin (sur un ton de demande et non comme un impératif) ».
  • pouvoir reconnaître ses torts en acceptant d’être pour quelque chose dans une partie du problème : « Là, d’accord, je n’aurais pas dû et c’est de ma faute, (mais toi de ton côté… etc) »

 

Ultime préparation

Au quotidien, nous devons observer notre propre comportement afin de discerner tout ce qui possède une tonalité agressive dans nos interactions. Ceci n’est pas très facile à réaliser, du fait de notre tendance à trouver « normales » nos remarques, même quand elles sont émises sur un ton de voix acide et critique. Il nous faut noter aussi notre style défensif : à quel moment répliquons-nous au quart de tour, sans recul, comme un taureau fonçant sur un chiffon rouge ? L’autre sait que nous réagissons ainsi. Il parvient, en appuyant sur tel bouton, à déclencher des réponses automatiques. Les jeux de provocation-réaction sont alors une arme disponible. Or les sociologues ont démontré que la possession d’une arme à la maison entraîne statistiquement beaucoup plus d’actes graves (du fait de son utilisation lors d’un moment de crise).

 

La tâche sera donc de repérer ses propres provocations (secrètement) agressives, et ses réactions défensives « automatiques » ; et de s’employer consciemment à les réfréner.

 

 

RESUME

 

Hors des phases de conflit, entraînez-vous à :

 

  • Repérer quels sont vos besoins et désirs d’enfant, derrière votre colère, afin de savoir ce qu’il est important pour vous de communiquer à l’autre,
  • Vous préparer à freiner vos coups si vous êtes poids-lourd, ou à ne pas esquiver si vous êtes poids-plume,
  • Etablir avec votre conjoint des conventions destinées à stopper l’escalade ; ce point est capital,
  • Lister intérieurement vos tendances à la provocation, mais aussi les réactions défensives, celles qui vous poussent à réagir immédiatement et impulsivement.

 

SUR  LE  RING

 

  • Autre point capital : démarrez en douceur. Des études étalées sur de nombreuses années avec un grand nombre de couples ont montré la constante suivante : une dispute se termine généralement sur le ton dans lequel elle a commencé. Si vous débutez par des « désignations » verbales  (« Décidément, tu es complètement bouché ») ou non-verbales (l’ air totalement dédaigneux ou moqueur, laissant entendre que l’autre est fou ou débile), vous saurez désormais que le conflit se terminera mal et ne servira qu’à aggraver vos blessures mutuelles.

 

Seront donc à bannir :

 

  • †un niveau sonore d’emblée trop aigu,
  • un ton de voix dévalorisant, méprisant, caustique (mais un style relativement coléreux reste légitime puisqu’il ne fait qu’exprimer votre propre réaction),
  • des désignations-critiques qui portent sur l’être de l’autre,
  • des insultes (pour la même raison).

 

*   Faites attention, tout au long de la dispute, à votre niveau de stress interne. Lorsque vous commencez à vous sentir trop bouleversé intérieurement, déclenchez les signaux d’apaisement, afin que la température du conflit ne dépasse pas un certain seuil au-delà duquel vous risquez l’un et l’autre de basculer dans l’escalade ou dans la fuite.

 

*   Respectez les catégories de ceinture pour que le match soit intéressant et débouche sur quelque chose. Votre mission, si vous l’acceptez, sera de renforcer la tendance qui n’est pas spontanément la vôtre. Le poids plume s’attachera à exposer ses points de vue et son propre vécu, même s’il se sent vacillant, et il s’obligera à ne pas quitter le ring. Le poids lourd entreprendra de ralentir son débit d’arguments et de reproches afin de laisser un peu l’autre s’exprimer.

 

  • Chacun s’efforcera de reconnaître sa propre part, quand il le pourra, et évitera les généralisations, lorsqu’il décrira le comportement reproché à l’interlocuteur (« toujours, jamais, partout, etc »). Surprenez ces mots dans votre vocabulaire et abstenez-vous de les utiliser dans ces moments-là.

 

  • Il importe de formuler des reproches concrets sur des faits récents (d’où la nécessité de ces « mises à jour » régulières, sous peine de devoir remonter trop loin). La communication devra porter sur des comportements, et si possible adopter la forme suivante :

†    –   description du comportement incriminé,

–   ressenti face à cette conduite,

–  fantasmes ou souvenirs qui se sont déclenchés alors.

 

Exemple :

 

  • hier soir, quand je suis rentré à la maison, personne n’est venu m’accueillir ; vous étiez tous devant la télé ou l’ordinateur
  • je me suis senti seul et triste
  • j’ai eu l’impression d’être la cinquième roue du char, celui dont personne n’avait rien à faire, et que toi, en particulier, tu t’en fichais de moi

 

ou bien

  • hier, sans m’avoir avertie du tout, tu es arrivé avec plus d’une heure de retard,
  • je m’inquiétais, j’avais peur de ce qui pouvait être en train de se passer,
  • j’ai eu l’idée d’un accident ; ou alors que tu rigolais avec ta secrétaire, pendant que moi je faisais le repas.

Et lorsque vous avez échangé sur vos ressentis mutuels, il est envisageable de préciser les comportements dont vous auriez besoin, non pas sous forme d’ordre et d’exigence (nous verrons plus loin l’inefficacité de cette attitude) mais comme l’expression de votre besoin :

  • ça me soulagerait si tu me téléphonais pour m’avertir quand tu risques d’être en retard,
  • ça me ferait du bien d’être parfois accueilli sur le pas de la porte quand j’arrive après une absence,
  • Des auteurs conseillent à cette étape de conclure la scène par une sorte de brain-storming autour des résolutions qui pourraient être appliquées désormais.

Cela me paraît assez irréaliste, un peu « intellectuel ». C’est déjà bien de réussir à terminer une querelle en ayant à peu près délivré ce qu’on avait à dire (le comportement incriminé, le ressenti (d’enfant), et le comportement attendu). Inutile de prolonger outre mesure : d’une part cela donne une « solennité » au différend, qui n’est pas toujours de mise, qui lui fait perdre son naturel, d’autre part cela me semble vouloir se précipiter un peu trop vite sur des « solutions » qui risquent fort de ne pas être tenues longtemps.

 

Je propose plutôt que, « après », chacun se laisse travailler intérieurement et silencieusement par les propos échangés. Si le round est resté à un niveau d’agressivité raisonnable, on verra fréquemment le processus suivant : le lendemain chacun aura effectué intérieurement une progression dans la direction que l’autre a évoquée, et spontanément une ambiance compréhensive et bienveillante s’installera

 

 

LES  FRICTIONS  QUOTIDIENNES

Bien sûr, tout ne demeure pas définitivement réglé, classé. De nouveaux moments difficiles réveilleront encore des émotions infantiles en nous. On se rappellera, à ce propos, que ce n’est pas toujours l’événement lui-même qui nous heurte, mais bien le décodage que nous en faisons. Une interprétation négative vise à nous faire penser que l’autre « s’en fout, ne nous prend pas en considération, nous abandonne, nous méprise, etc, etc »  Dans la majorité des cas ces commentaires sont faux, mais l’Enfant en nous leur donne toutes les couleurs de la vérité et devant cette « blessure » l’Adulte réagit…

 

Donc nous voilà avec tous ces petits faits de la vie quotidienne qui nous agacent : « il conduit trop vite, elle exige encore qu’il re-vérifie les devoirs de l’enfant, il ne met pas ses couverts dans le lave-vaisselle, etc ». Comment réagir ? Avec les mêmes règles du jeu :

  • ne pas « désigner » (« tu conduis comme un fou dangereux ! »
  • mais plutôt dire son ressenti (« j’ai peur quand on roule à cette allure »). Ce point est très important : on délivre l’information sans faire pression. Il y a là une stratégie extrêmement efficace : le partenaire peut moins facilement fermer les écoutilles face à la formulation simple et non agressive de notre vécu, surtout si c’est accompagné d’un préalable tel que : « je ne te reproche rien » , « c’est simplement que j’ai peur quand…etc ». Vous ne lui demandez pas de rouler moins vite ; vous lui dites encore moins que « il est malade de rouler si vite ». Simplement vous exprimez votre émotion.

Dans la plupart des cas, face à une déclaration modulée de cette manière, l’autre va adapter spontanément son comportement. S’il ne le fait pas c’est sans doute qu’il « interprète » de son côté (Exemple : « elle ne me fait pas confiance quand je conduis ! »).

  • si vraiment rien n’est pris en compte de ce que vous avez émis, vous pouvez alors évoquer plus clairement l’attitude souhaitée : « ça me ferait du bien que tu roules plus lentement » ou « est-ce que tu pourrais rouler plus lentement, ça me rassurerait ».
  • enfin, réservez ces communications, autour de points frictionnels, aux moments qui en valent la peine (sauf si vous êtes F.P.  Fais Plaisir). Il n’est pas absolument nécessaire de vouloir tout relever, rectifier, mettre dans la ligne de ce que vous désirez (sinon vous voilà dans des plis perfectionnistes, irréalistes, sources d’un constant malaise). Supporter un certain niveau de frustration fait partie du travail maturatif que l’Adulte peut apprendre à l’Enfant intérieur.

 

RESUME

 

1)  Un autre point capital : démarrez vos disputes en douceur, car elles se termineront sur le ton dans lequel elles auront débuté

 

2)  Restez sur du concret : comportement incriminé ; ressenti face à celui-ci ; comportement espéré

 

3) Laissez-vous ensuite « travailler » intérieurement par le point de vue de l’autre, par les arguments qu’il a développés, et surtout par le ressenti (d’enfant) qui était le sien.

 

Si vous appliquez tous ces points, vous serez étonnés de leur efficacité.

 

Conclusion

Pas de rubrique spécifiquement « Conseils de ZOUTI » puisque l’ensemble de l’article possède déjà cette tonalité.

 

A la relecture de ce numéro, il semblerait que la vie en duo soit tissée essentiellement de luttes et d’affrontements. Il n’en est rien, et la comparaison suivante nous aidera à le comprendre : un organisme doté d’anticorps vigoureux et robustes va permettre une pleine forme, éclatante, joyeuse. L’absence de pathologie ne suppose pas un environnement stérile, mais une puissante aptitude à se battre, pour éliminer au fur et à mesure ce qui pourrait rendre malade. Cela se passe à l’identique dans les relations intimes : la bonne santé (l’acuité du sentiment d’être vivant et aimant) tient à la gestion correcte des points négatif qui risqueraient de nous miner peu à peu. De petites disputes régulières garantissent les mises à jour nécessaires, permettant de s’adapter au temps qui passe et aux changements qu’il amène.

 

Toutefois nous n’en avons pas encore fini avec ce thème, et le prochain chapitre traitera de la nocivité relationnelle du fait de « donner des ordres »  ; et, en contrepoint, de « l’art d’être vraiment écouté(e) »…