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le coeur métamorphe - Ecole Aide Psy

LE COEUR MÉTAMORPHE CHAP.10

Jean-Marc HENRIOT Fondateur de l’Ecole AIDE Psy

Réussir sa vie, c’est aussi se donner les chances d’établir des relations heureuses avec autrui et avec nous-même, et bien vivre nos comportements affectifs. Cela suppose un préalable : décrypter notre complexité psychique et émotionnelle apparente. Notre psychisme est constitué de différentes personnalités. Fruit de nos expériences, il abrite aussi l’enfant que nous étions, l’image de nos parents et des figures marquantes de notre histoire, les rôles que nous avons joués… Le cœur métamorphe désigne la possibilité de gérer cette incroyable mosaïque interne, qui détermine nos attitudes et qu’il nous appartient donc d’explorer et d’organiser, pour évoluer. Ce manuel synthétique et pratique expose des notions psychologiques fondamentales et leurs manifestations au quotidien. Exposés clairs et structurés, exemples, résumés et nombreux exercices nous permettent de découvrir notre boussole interne dont le nord magnétique serait l’équilibre émotionnel. Accepter de se voir tels que nous sommes, c’est saisir une occasion de créativité et d’ouverture humaine.

Chapitres

CHAPITRE 10. CONTRÔLER LA VIOLENCE

STRUCTURATION  PSYCHIQUE

 

Les tous premiers temps

 

Voici bien longtemps que nous nous interrogeons sur la violence de l’être humain. A ce jour les réponses ne semblent pas définitives, et c’est un des rares sujets sur lequel les psychanalystes n’ont pas vraiment suivi FREUD.

 

Pour celui-ci, du moins sur la fin de sa vie, deux grands registres pulsionnels s’affrontent : Eros et Thanatos. Eros, pulsion de vie, dont le but est d’unir ; Thanatos, pulsion de mort, qui a pour dessein la désunion (aussi bien des êtres que des cellules elles-mêmes). Deux tendances contradictoires, l’une aspirant à l’exaltation et l’autre à la réduction des tensions jusqu’au point zéro. FREUD, conforté dans ses idées par la période de la guerre, pensait qu’une force de mort habite l’humain. Observons, à ce propos, que la biologie a montré, depuis, la capacité des cellules à s’auto-détruire (phénomène appelé l’apoptose), à « se suicider », afin de permettre la mise en place de nouveaux tissus. Cependant cette conviction freudienne ne s’est pas vue partagée unanimement, et a été supplantée par une autre vision.

 

Jean BERGERET, figure connue de la psychanalyse, a écrit un livre référence : « La Violence Fondamentale ». Pour lui, l’enfant naît doté d’une violence de survie, d’une agressivité extrême mise au service du désir (par exemple celui de se nourrir). Dans cette optique, la violence se présente comme un attribut au service des pulsions de vie.

 

Observez la colère d’un bébé, ou d’un tout petit, ses capacités à hurler, mordre, casser, donner des coups de pied. Dans ces moments-là l’enfant se voit totalement envahi par la rage, face à ce qui le frustre. Et comme il ne sait pas la contenir, il se sent lui-même malfaisant, traversé par ces désirs de tuer ou de faire plier le réel : TOUT est désastreux, le monde et lui-même, si bien qu’il peut aussi se faire mal, se griffer le visage, etc. Il ne connaît encore que le Tout ou Rien, que le clivage séparant irrémédiablement deux univers : le complètement mauvais ou le totalement bon, l’un et l’autre ne pouvant pas co-exister.

 

WINNICOTT a souligné l’importance capitale d’un environnement adapté, à cette époque précoce. C’est à dire que la mère (ou le parent maternant) servira de Moi-auxilaire capable de contenir (empêcher l’enfant de se faire mal ou de détruire), contrôler, rassurer, faire le nécessaire jusqu’à ce que le bébé puis le bambin intègre peu à peu la façon de faire parentale et découvre progressivement qu’il peut lui-même endiguer et maîtriser les pulsions. Dans ces premiers temps la mère doit s’appuyer sur ses propres capacités à la fusion empathique afin de sentir au plus près ce que vit son enfant, et de lui éviter un niveau de frustration insupportable pour son psychisme peu élaboré.

 

Cette violence fondamentale, primaire, archaïque (puisque référant aux tous premiers temps de notre existence après la naissance) peut se constater aisément lors de situations d’extrême péril. Dans une panique de foule, par exemple, chacun sera capable de cogner, frapper, étouffer l’autre pour lui passer dessus, hurlant des cris issus du plus profond, les cris du bébé avant le langage. Ainsi pouvons-nous apercevoir que cette sauvagerie, au service de la survie, peut émerger de façon volcanique chez la plupart d’entre nous. Le tout petit, lorsqu’il œuvre pour sa vie,  ne tient pas compte de l’Autre. S’il avait des moyens adultes, il tuerait, sans hésiter, en pleine explosion, ce qui se met en travers de son désir. Heureusement ses capacités physiques sont encore très réduites… Avant qu’il n’acquière sa force adulte il pourra élaborer la solution humanisante consistant à intégrer des niveaux de contrôle par la pensée et le langage, et à canaliser cette énergie dans des actes concrets qui respecteront l’interlocuteur.

 

Comment va-t-il donc réussir ce cheminement maturatif ?

 

La découverte du réel externe

 

Le bébé ne fait pas vraiment de différence entre le milieu intérieur et la réalité externe. Il n’a pas encore acquis, non plus, la certitude d’avoir affaire à une mère totale (non morcelée), ni d’exister lui-même comme personne globale. Il se situe dans l’omnipotence imaginaire : centre du cosmos, capable de faire venir ce qui lui est nécessaire au moment où il en a besoin (puisque la mère s’adapte souplement). Cette souveraineté utopique représente une première étape utile, qui fondera la croyance dans ses propres capacités. Mais elle ne peut se maintenir, sous peine de virer vers un fonctionnement psychotique, du type : « Je suis seul existant, nombril d’un monde totalement bon ou intégralement mauvais ».

 

Et bientôt, comme la mère se remet de cette « maladie » nécessaire qui consistait à se sentir absolument fusionnelle avec son bébé, elle devient moins bien adaptée aux désirs de son bambin. Celui-ci va donc devoir gérer des frustrations.

 

Bien entendu, sa première réaction demeurera un déchaînement de rage. D’autant plus qu’à la violence « orale » primitive (« je veux dévorer et tout faire mien, c’est ainsi que j’existerai ») vient s’ajouter la violence « anale » (« j’entends vivre selon mon désir et obliger l’autre, en le dominant ou / et en le sadisant »). Voici donc l’enfant prêt à toutes les agressions. Nous pourrons parfois, plus tard, retrouver à l’intérieur de nous ce même état d’esprit.

 

Que va-t-il se passer après cette première séquence : frustration è déferlement explosif ?

 

A)  Intérieurement l’enfant est envahi de fantasmes ravageurs ; ses attaques en manifestent une petite part.  MAIS  l’objet de sa haine survit, résiste, reste intact. Dans ce cas, et au fil de cette expérience répétée dans le temps, le petit va découvrir deux vérités cruciales, capitales pour son élaboration psychique :

  • On voit qu’ainsi l’enfant va pouvoir différencier désormais un intérieur et un extérieur, établir une limite structurante, une frontière délimitant un territoire, à l’intérieur duquel il se situe lui-même, cependant que l’Autre se trouve au-dehors. Cette découverte va lui permettre, à l’avenir, de tenir compte de la réalité, et d’autrui…  « L’objet naît dans la haine ». La réalité extérieure est découverte dans une ambiance de colère. Ainsi, la sortie de l’autisme infantile passe par l’expérience frustrante de se découvrir limité.

 

  • Cette frontière imposée à l’omnipotence va permettre la pensée : puisque l’Autre survit, l’enfant peut alors s’autoriser ses propres idées, ses désirs, ses pulsions, sans se croire dangereux.

 

B) La mère n’ayant pas été détruite, l’enfant la découvre différente de lui-même. Il commence alors à rentrer dans le processus suivant :

  •  il craint de l’avoir abîmée
  • il éprouve donc de l’angoisse, avec la crainte du choc en retour, et la peur de perdre cette source nécessaire à sa survie. Il ressent la culpabilité de s’être ainsi déchaîné
  • naît alors en lui le désir de réparer. Il voudrait pouvoir restaurer l’Autre, lui faire du bien, panser les blessures infligées.
  • il entre ainsi dans la sollicitude pour l’Autre, le désir de faire du bien, l’Amour

 

Au final, tout ce processus intérieur et relationnel (répété un nombre de fois suffisant) conduit de la haine initiale à l’amour, de l’agressivité au lien, de la rage destructrice à la compassion réparatrice. Ainsi s’effectue le passage du clivage (Tout ou Rien, Moi ou Non-Moi, etc.) à l’ambivalence, c’est à dire un état psychique capable de faire co-exister la haine et l’amour, le Moi et l’Autre, tout en les différenciant clairement.

 

A partir de là l’enfant acquerra une richesse de perception bien plus conséquente, qui lui permettra de tenir compte au mieux de la réalité, et de naviguer avec souplesse entre les opposés.

 

La solidité parentale, la rigueur frustratrice (qui a conduit le parent à ne pas céder, ne pas craquer, ne pas s’écrouler face aux hurlements) est intégrée par le jeune, permettant alors une sécurité psychique face à la violence fondamentale des pulsions. Au final, l’enfant débouche progressivement sur la maturation suivante :

  • la capacité d’être attentif à l’autre ; la reconnaissance de cet autre en tant que différent de soi (« ma liberté s’arrête où commence celle d’autrui »)
  • le désir de restaurer et d’aider cet interlocuteur qui a peut-être été blessé ; le sentiment de responsabilité qui en découle
  • le sens des valeurs par une sorte de moralité personnelle qui s’instaure (nécessité de ne pas faire mal, tant à soi-même qu’au partenaire)
  • la colère, utilisable dans un espace de négociation, différente de la haine destructrice, et non susceptible de détruire l’amour

En conclusion : une fois ses premiers désirs omnipotents suffisamment satisfaits par l’illusion de toute-puissance qui découle de l’adaptation maternelle primaire, l’enfant va trouver la limite, avoir en face de lui quelqu’un qui tient le coup et ne cède pas à ses désirs. Cette expérience va permettre la constitution d’un monde externe, et corollairement d’un espace interne dans lequel peuvent se déployer les pulsions et les fantasmes, désormais non dangereux.

 

C’est grâce à ce choc, à la rencontre de ce barrage, qu’un adulte équilibré pourra émerger ultérieurement.

 

Mais que se passera-t-il si le déroulement décrit ci-dessus connaît l’échec ?

Echec du processus

 

 

Le point délicat, dans cette histoire, ne dépend pas de l’enfant mais de son environnement : celui-ci aura-t-il la nécessaire capacité de résister?

 

En effet, parfois l’objet ne survit pas. Entendons par là qu’au cours de ce processus le parent s’effondre (pour une raison qui ne tient pas forcément à l’enfant) : maladie grave, hospitalisation ; ou deuil notable, occupant l’esprit maternel ; ou divorce, dépression ; ou encore naissance d’un puîné, ou faible investissement parental, ou fragilité du parent face à l’agressivité de sa progéniture, etc. On voit que nombre de circonstances peuvent donner au petit le sentiment que l’adulte agressé ne survit pas (s’effondre, s’absente, s’esquive, etc.).

 

Que va-t-il arriver ?

 

Les étapes

 

Nous allons rencontrer tout l’inverse :

  • la limite ne se construit pas solidement, entre un intérieur agité de pulsions-désirs-fantasmes et un extérieur ayant sa propre solidité, sa différence. Le psychisme de l’enfant reconnaît donc difficilement la réalité externe et la validité d’un Autre doté de sa propre existence.
  • il continue, de ce fait, à être livré à une puissance imaginaire incontrôlée, une violence pulsionnelle censée pouvoir faire céder le monde.
  • il ressent de la difficulté à élaborer un sentiment de culpabilité, et donc à découvrir la sollicitude envers le vécu d’autrui. Le désir de restaurer et de réparer n’a guère possibilité de s’enraciner dans ces conditions.
  • la frontière entre l’intérieur et l’extérieur étant mal constituée, la personnalité reste alors dans une sorte de flou psychique, marquée par l’incertitude, la confusion, le risque d’émotions brutales et incontrôlées, et une mauvaise appréciation de la réalité externe ainsi que du ressenti des interlocuteurs.

 

Conséquences psychopathologiques

 

1) parfois une certaine frayeur devant cette violence incontrôlée peut émerger (à défaut d’une culpabilité plus élaborée). Dans ce cas de figure, plutôt positif par rapport aux comportements décrits plus loin, la personne va être conduite à mettre une restriction massive sur l’agressivité, ou même à la retourner contre elle-même. Le désir de vivre se trouve alors lui-même globalement réduit. Cette sorte de dépression constitue un frein contre les déchaînements pulsionnels, avec leur risque de dislocation interne puisque ceux-ci n’ont pas la garantie d’être contenus dans un espace intérieur sûr.

 

S’ils n’arrivent pas à établir ce ralentissement général, ces sujets se sentent basculer vers la folie. Ils perdent leurs repères : le corps propre est vécu comme instable, les émotions semblent de terrifiants cyclones, et les fantasmes une réalité concrète.

 

Ces gens, qu’on appelle « états-limites », sont en manque d’une structuration psychique, qui les apaiserait plutôt que devoir utiliser le mécanisme lourd de la répression massive des pulsions.

 

2) mais d’autres catégories, assez redoutables, peuvent découler de l’échec du processus. Il s’agit des gens psychopathes ou pervers.

 

On nomme comportements psychopathiques toutes ces attitudes anti-sociales qui ne veulent pas tenir compte de la réalité commune des besoins et désirs de chacun : vol, mensonge, destructivité systématique, cruauté, escroquerie. Winnicott dirait que la moralité et la sollicitude issues de la confrontation avec un autre aimé n’ont pas pu s’établir.

 

On nomme « pervers » les êtres qui ne voient l’autre que comme un objet à manipuler, au service de leur désir : pédophiles, sadiques, masochistes, etc. Leur caractéristique est l’absence de culpabilité (d’où les « rechutes » puisque seule la contention externe peut les empêcher d’agir). Une thérapie s’envisage lorsqu’un taux de culpabilité et d’angoisse se montre suffisamment présent. Pour les pervers ceci n’existe pas et seules des limites extérieures (la loi, la prison) peuvent être prises en compte. L’habileté du pervers pour faire ressentir à l’autre ce que celui-ci attend, afin de mieux le manipuler, se constate en prison : pas de détenu plus agréable, adapté, bien sous tous rapports que les grands pervers. Ceux-ci donnent à leur environnement tous les gages attendus. Et ces prisonniers-modèles sont les premiers relâchés… s’empressant de reprendre leurs ravages relationnels.

 

Comprenons-nous bien : il s’agit là de cas rares (un très faible pourcentage de la population) dont toute la personnalité se révèle structurée sur un mode pervers. Cela ne renvoie pas aux traits pervers qui existent chez chacun d’entre nous ; le névrotique moyen, lui,  contrôle ou empêche la réalisation de ces fantasmes, et conserve la possibilité de tenir compte de l’Autre avec amour.

 

Concluons sur l’importance capitale d’un environnement familial porteur d’une rigueur et d’une capacité à survivre face aux « agressions ». La limite, la frustration, une adaptabilité parentale imparfaite, voici autant de résistances à son désir et à ses fantasmes que l’enfant doit rencontrer pour structurer un intérieur sécurisé.

 

Une fois cette limite intégrée, le psychisme pourra éviter que les pulsions s’écoulent sans frein, brisant tout sur leur passage. La violence pulsionnelle se trouve contenue.

 

Rejeu à l’adolescence

 

L’adolescence, avec sa poussée hormonale et instinctuelle, remet à l’ordre du jour les questions précédentes :

  • la violence fondamentale ressurgit, puisqu’elle est liée aux pulsions
  • la question identitaire du « je suis face à l’autre », de la frontière entre l’intérieur et l’extérieur, entre le désir et la réalité externe, se pose une deuxième fois.

Avec cette nouvelle donne se retrouvera la tendance au clivage (la « bande » d’un côté, censée concentrer tout le bon ; et les « vieux cons » de l’autre côté, chargés de tout le mauvais). L’adolescent, comme le petit de trois ans, va devoir refaire le chemin menant de la simplification du clivage à la complexité de l’ambivalence. L’ambivalence suppose la co-existence du bon et du mauvais, et permet les nécessaires compromis qui vont déboucher sur des choix de vie intégratifs.

 

Nous reconnaîtrons donc sensiblement les mêmes étapes :

 

1)  le choc entre un agrégat d’ados fusionnés et le monde extérieur critiqué

 

2)  la bande sert d’identité archaïque : la fusion donne l’illusion à chacun d’être sans limites. Le risque d’une dérive existe lorsque dans le groupe se trouvent des membres anti-sociaux, capables d’entraîner l’ensemble des individus dans des actes dangereux.

L’aspect intéressant du clivage (tout bon / tout mauvais) se découvre dans la richesse d’un idéalisme exaltant. De même que l’enfant a eu besoin d’une suffisante illusion d’omnipotence (avant de se heurter aux limites du réel) et qu’il en gardera une confiance de base, de même l’idéalisme passionné de l’adolescent laissera sa trace dans l’adulte, aidant ce dernier à ne pas perdre de vue son axe principal.

 

3) le travail des adolescents, c’est de « secouer le cocotier » (remettre en cause, se révolter, etc.) cependant que la tâche des adultes consiste à tenir le coup, survivre, garder leurs valeurs. L’environnement doit relever le défi, accepter la confrontation, plutôt que de trop chercher la « compréhension ».

 

L’enfant, comme l’adolescent, ont besoin de sentir en face d’eux des adultes solides qui ne se laissent pas trop déstabiliser. Ainsi pourront-ils intérioriser ces modèles et posséder des repères intérieurs sûrs et forts.

 

 

RESUME

 

  • deux temps successifs sont nécessaires à la structuration du psychisme de l’enfant puis de l’adolescent :
  1. illusion d’omnipotence et de grandiosité
  2. découverte de la limite imposée à ses propres pulsions par la réalité externe, représentée par un parent qui résiste
  • dans ces conditions s’établit une différence claire et rassurante entre mondes intérieur et extérieur. La violence fondamentale, liée à la vie pulsionnelle elle-même, peut alors être contenue, contrôlée.
  • si le processus échoue, si le parent ne s’oppose pas, ne frustre pas, ou se montre sans consistance, alors le psychisme reste faible et peut être envahi par une violence pulsionnelle qu’il contrôle mal. De nombreux comportements pathologiques en découlent.

 

 

 

 

PROBLEMATIQUE  SOCIETALE

 

 

Malheureusement, à l’heure actuelle, des facteurs variés compromettent les possibilités de tenir cette fonction, survivre, poser cette limite indispensable pour que le psychisme se structure.

 

Evolution de la famille

  •  la contraception nous a conduit à avoir moins d’enfants, beaucoup moins. L’enfant est devenu une denrée rare, choisie, et par conséquent survalorisée. Peu à peu, et surtout avec la réduction du champ familial (famille nucléaire, réduite à parents / enfants, ou même famille monoparentale) l’enfant s’est trouvé chargé de toutes les attentes. Les géniteurs veulent à tout prix que le bonheur de celui-ci, immédiat et visible, soit l’emblème de leur propre réussite.

 

 

 

Tout ceci conduit les adultes au refus de s’opposer, au désir de tout donner à leur chère tête blonde, et à la limite, de le combler avant même qu’il demande. Comment envisager alors d’imposer des frustrations, et de survivre aux agressions ? Le parent devient excessivement compréhensif, copain, « jeune » parmi les jeunes ! Il ne sait pas, ce faisant, qu’il oblitère le développement psychique de son enfant.

  • l’augmentation énorme du nombre de divorces amène beaucoup de familles à vivre une ambiance de conflits, et de haine plus ou moins manifestée. Cette violence externe vient encombrer le chemin que l’enfant cherche lui-même à parcourir. De plus, l’objet ne survit pas : un des deux parents disparaît plus ou moins, confirmant implicitement la croyance suivant laquelle l’agressivité ne peut pas être contenue et fait éclater le cadre
  • les familles monoparentales (généralement matriarcales) sont de plus en plus nombreuses. L’absence de père modifie le rapport à la Loi et à l’autorité, et complique, là encore, l’établissement d’une structure interne. L’enfant ne peut pas intégrer un modèle équilibré, grâce auquel la démocratie intérieure aurait des représentants de la Loi forts et pondérés face aux désirs et aux fantasmes de l’Enfant

De plus le fait d’être livré au seul pouvoir maternel peut donner ultérieurement, en contrepartie, une sorte de retour du balancier avec violences faites aux femmes.

 

Ainsi l’évolution de la famille, dans notre société, conduit vers un Moi faible et mal délimité. Les psychanalystes ont d’ailleurs observé un changement dans leur clientèle : du temps de FREUD on soignait des névrosés, à notre époque on doit traiter beaucoup d’états-limites.

 

 

Evolution des repères sociaux

 

Aux modifications précédentes s’ajoute le bouleversement des repères sociaux.

 

  • le « jeunisme » conduit à une remise en cause de la dissymétrie des générations et entraîne fréquemment une démission des figures éducatives, devenues plutôt copains qu’adultes. De tous temps et dans toutes les cultures, les enfants avaient hâte de devenir adultes, pour avoir enfin la bonne part de la vie ; or nous voici dans la situation inverse… qui ne donne guère envie de mûrir
  • l’information sur toutes les dérives psychopathiques des porteurs de repères ou de règles sape le Surmoi. Politiciens véreux, magistrats corrompus, prêtres pédophiles, policiers racistes, la télé n’en finit plus de montrer des exemples d’effondrement des Valeurs
  • ajoutons à cela l’avenir bouché qui semble attendre les jeunes. Avenir peu enthousiasmant d’une vie sans idéaux, marquée par le divorce probable, et le chômage possible
  • ce chômage contribue à dévaloriser beaucoup de pères qui deviennent parfois alcooliques et brutaux. Les enfants d’immigrés ont d’ailleurs une surcharge supplémentaire, celle d’être plus « outillés » verbalement et culturellement que leurs parents, et donc d’être eux aussi mal positionnés se retrouvant plus adultes que leurs aînés.

 

Sans faire de catastrophisme, on est bien obligé de reconnaître que tous ces facteurs sociaux alourdissent le problème. Comment se positionner fortement, face aux enfants et aux adolescents, dans ces conditions… On débouche sur un manque d’adultes solides et sûrs d’eux, porteurs d’idéaux.

 

La télévision

 

Là encore, ce grand choc culturel est très récent, remontant à peine plus loin que celui de la contraception.

  • que constate-t-on ? pour la plupart des chaînes, tant aux infos que dans les films, un déferlement pulsionnel brut. Violence incessante, héros psychopathes, viols ou sexualité trouble… Pourquoi ce medium est-il consacré prioritairement à Mister HYDE, au déchaînement du Ça freudien ? Est-ce dangereux pour notre équilibre ?

Deux positions s’affrontent. L’une soutient que la brutalité, vécue par procuration via le petit écran, sert d’exutoire, évitant ainsi un déchaînement réel. Les tenants de ce point de vue citent les Contes de fées, dont la cruauté bien connue a bercé des générations. L’autre, et c’est mon opinion, fait d’abord la différence entre deux types d’imaginaires. L’imaginaire personnel, celui qui est mobilisé par les Contes  racontés ou lus , permet de gérer les imagos effrayantes et de donner une configuration personnalisée aux pulsions de chacun. De même que les rêves nocturnes représentent notre intime de la nuit, de même la formalisation interne de nos pulsions nous aide à les contenir. Il en est tout autrement de l’imaginaire externe proposé par la télévision. Nous retrouvons ici le pouvoir de l’image, qui traverse nos frontières. Observer une scène externe ne possède pas du tout la même signification que créer une figuration interne ; dans le premier cas la conscience se trouve en quelque sorte capturée par l’image proposée, alors que dans le deuxième cas l’image, tout au contraire, aide à l’expression de ce qui veut se dire en nous-même. Nous percevons cet écart dans la déception éprouvée lorsqu’un livre passionnant se trouvé porté à l’écran, nourri des représentations du réalisateur, différentes des nôtres.

Dans cette optique, la télévision est une sorte de trompe-l’œil, de prothèse de l’imaginaire. Je pense que, loin de nourrir notre créativité, elle assèche en partie celle-ci. Mais elle brasse nos pulsions d’une façon directe, comme un hypnotiseur en prise avec l’inconscient de l’hypnotisé. Cet assèchement conduit à la dépendance : moins pourvu de mon inspiration interne, nécessaire à la prise de contact avec moi-même, je dépends de cette création externe et cela me décale de moi-même. Ce mouvement de décentration procure en même temps un soulagement : ne plus avoir à penser / sentir ce qui existe en soi-même, quel repos ! D’où l’utilisation massive de la télé dans les prisons et les hôpitaux psychiatriques.

Je pense donc que nous avons à réfléchir sérieusement sur les contenus télévisuels. Plus d’ailleurs que sur ceux du cinéma, car le film se présente sous l’aspect d’un évènement délimité dans le temps, et donc susceptible d’être ensuite récupéré par notre propre imaginaire, cependant que la télévision, elle, ne s’arrête jamais, une vision chassant l’autre en permanence.

  • l’enfant, avant six ans, est envahi par les images du petit écran. Il ne dispose pas encore, en effet, d’un intérieur aux frontières marquées. Les dessins animés japonais s’engouffrent en lui, pour son plus grand ravage : cris continuels, éructations, dessin dégradé (comme la figuration humaine mal structurée dont ils sont le reflet), scénarios inconsistants ou marqués par la grandiosité omnipotente, matraquage de bruits, de couleurs, de violence. Sommes-nous assez fous pour laisser ainsi les enfants en bas âge devant cela ? La seule façon de transmettre les moyens psychiques  face à cette pénétration consiste à : 1) définir un temps précis, qui borne le déferlement télévisuel (cf. la délimitation au cinéma), 2) échanger des paroles à propos de ce qu’il vient de regarder, afin de l’aider à restaurer la bonne distance, et l’emprise possible sur ce qui a été agité en lui.
  • mais l’adulte, de son côté, n’est pas non plus indemne. Suivant la remarque de Mac Luhan, le message c’est le medium lui-même. Au delà du contenu, le simple fait de passer des heures chaque jour, livrés à cet imaginaire externe hypnotisant, instaure en quelque sorte une dépendance au discours de l’autre et une faiblesse dans notre capacité à créer personnellement.
  • terminons sur le constat inspiré par une observation régulière de la télévision :
  • banalisation de la violence pulsionnelle (sexe et agressivité)
  • surenchère des chocs émotionnels ( à cet égard les « informations » sont un modèle de déformation du réel, privilégiant à tout prix le révoltant, le scandaleux… suivi imperturbablement des sports)
  • immaturité d’un discours où seuls comptent l’immédiat et le sensationnel
  • détournement du langage ( « tout de suite… » voulant dire au contraire : «la suite sera dans un long moment, après la pub ;  ne changez surtout pas de chaîne entre-temps ») ce qui rejoint une manipulation plus générale : lorsqu’une publicité souligne trop fortement tel aspect d’un produit c’est fréquemment parce qu’il ne le possède pas et que le publicitaire veut « faire changer notre image du produit ». Quelque chose de très polluant sera associé à la Nature et aux petits oiseaux ; et le politicien soupçonné d’avoir trempé dans nombre d’affaires illégales prônera « l’impunité zéro » afin de montrer comment il est lui-même plus blanc que blanc.
  • « Pas grave tout ça. Rien n’a jamais prouvé que la télévision incitait au passage à l’acte ». Mais alors comment pouvons-nous d’un côté souligner que l’apprentissage des gestes d’un champion sera perfectionné par le modeling, c’est à dire l’immersion intensive dans une vidéo représentant les attitudes à adopter, et de l’autre côté que les scènes et comportement montrés à la télé ne créent pas un modèle ingéré inconsciemment.

Pour finir, on peut quand même se demander pourquoi ce medium charrie essentiellement du pulsionnel incontrôlé et de bas étage. N’est-ce pas là le reflet du niveau d’évolution de notre société, ou plutôt de ceux qui ont la charge de ce pouvoir télévisuel ?

 

Quoi qu’il en soit, même si toute cette violence ne pousse pas à l’acte un spectateur doté d’un espace interne de traitement, elle sèmera cependant une déstabilisation supplémentaire chez tous les autres… dont nous venons de voir précédemment qu’ils sont de plus en plus nombreux (états-limites).

 

Face à ces faits de société, il apparaît urgent de trouver les moyens permettant à chacun de contenir ce qui l’agite grâce à une sécurité psychique mieux établie. C’est là une des fonctions principales des réseaux instaurés par les Groupes d’Entraide Psychologique. Une fois cette contention réalisée, cette énergie « noire » peut alors être mise au service de la meilleure réalisation personnelle et sociale. L’atome débouche sur les bombes les plus terrifiantes, ou donne au contraire une énergie utile quasi illimitée.

 

En conclusion, l’évolution familiale occidentale, la chute des anciens repères et idéaux, la télévision trash, tout ceci n’établit guère le duo indispensable : solidité des adultes et de leurs valeurs, intégration par l’enfant de ces modèles grâce   auxquels  il   instaurera  un  intérieur aux frontières sûres et reconnues.

 

 

RESUME

 

Tout ceci institue progressivement des générations d’enfants faiblement structurés, peu capables de gérer leurs pulsions.

 

 

LA  FAMILLE  INTERNE

 

 

Résumons le profil du « bon parent » suivant WINNICOTT. Après la première phase d’adaptation la plus parfaite possible aux besoins du petit nouveau-né, l’enjeu se trouve ensuite dans le juste dosage des ingrédients suivants :

  • amour. Trop maintient la régression ; pas assez entrave le narcissisme de base
  • frustration. Trop décourage le dynamisme de l’enfant ; pas assez l’empêche d’édifier sa force
  • limites. Trop : l’enfant ne trouve pas sa place ; pas assez : il ne perçoit pas clairement la réalité externe, ni l’Autre, différent de lui-même.

 

Nous allons voir que la clé d’un bon équilibre, à l’âge adulte, se trouve justement dans le fonctionnement pertinent du Parent interne lors de ses rapports avec l’Enfant intérieur.

 

Rappelons que l’A.T. (Analyse Transactionnelle) écrit Parent-Adulte-Enfant avec une majuscule lorsqu’elle veut signaler qu’il s’agit d’une figure interne, différente des personnes externes, qu’elle désigne par une minuscule (le parent réel).

 

A l’âge adulte, tout le système parental et son renforcement sociétal (ou sa déstructuration) est désormais internalisé. L’essentiel est joué ; il va falloir faire avec sa propre famille interne. Le Parent saura-t-il « tenir » quand l’Enfant voudra bouleverser un engagement pris, parce qu’il a peur ? L’Enfant sera-t-il calme, en confiance, créatif, ou bien, à l’opposé, craintif, angoissé, méfiant ? Toutes ces interactions Parent-Adulte-Enfant vont générer stabilité ou changement, angoisses ou sécurité. Voyons ceci plus précisément :

 

Violence des symptômes

 

1) Cette jeune femme a des angoisses de mort, des crises de panique, de la tachycardie, tout un cortège effrayant l’amenant à des effondrements incontrôlables et de régulières arrivées en fanfare au SAMU… qui, bien sûr, lui confirme qu’ « elle n’a rien », voulant dire par là, rien d’organique.

 

Ceci ne la rassure pas. Elle reste hyper-attentive aux moindres signaux corporels risquant de signaler que quelque chose dysfonctionne.

 

2) Cette autre jeune femme, hypocondriaque, est persuadée d’avoir de graves maladies, d’autant plus alarmantes que les multiples examens médicaux approfondis n’ont rien trouvé… ce qui prouve bien la malignité de la pathologie, capable d’échapper aux yeux des spécialistes les plus exercés. Inquiétude permanente, fatigue intense qui en découle, surveillance, angoisses de mort : sa vie s’apparente à un calvaire.

 

L’hypocondrie ressemble à la paranoïa. Là où le paranoïaque sera persuadé de la dangerosité du monde extérieur, l’hypocondriaque ne pourra faire aucune confiance à son propre corps et « interprètera » le moindre de ses ressentis dans un sens alarmant.

La réassurance donnée par le médecin ne durera guère. Je me rappelle ce film où Woody Allen s’entend dire par son généraliste : « Vous n’avez rien ». En voix off, il nous exprime que ces mots représentent une source de bonheur supérieure à toute autre. On le voit donc sortir tout joyeux du Cabinet médical. Il coure, sautille, et après quelques mètres ralentit et finit par reprendre sa marche prostrée habituelle : le voilà possédé à nouveau par ses craintes hypocondriaques. On suppose qu’il se dit : « Oui mais… le médecin n’a peut-être pas vu le vrai danger caché ! »

 

En fait, dans ces deux cas de jeunes femmes angoissées, nous observons le même mécanisme. Face aux hurlements de l’Enfant  (« J’ai peur, je vais m’écrouler, je vais mourir, je n’y arriverai jamais, etc. ») le Parent et l’Adulte ne font pas le poids, ne tiennent pas le choc, ne « contiennent » pas la petite fille terrorisée.

 

Toutes deux sont versées en psychologie, mais cela ne les aide pas ; en effet, elles entrent dans de fébriles ruminations pour essayer de « comprendre » leur Enfant. Stratégie aussi inefficace que vouloir argumenter avec un enfant de trois ans en train de hurler. Elles ne savent pas se comporter en parents fermes et rassurants.

 

L’anecdote suivante me revient à l’esprit : je reçois un couple de jeunes parents ; ils m’expliquent qu’ils sont totalement démunis face à leur fils de cinq ans qui casse tout, donne des coups de pied lorsqu’on l’approche, hurle à casser les oreilles, etc. Ils veulent discuter avec lui, et parlementent d’une façon très DOLTO… mais ça ne marche pas. Que faire ?

 

Ils ont été quelque peu surpris que le psychologue ne les aide pas à mieux débattre avec leur enfant mais leur conseille d’abord de le maîtriser : l’un prendra les deux pieds, l’autre les deux mains, et ils l’empêcheront de bouger, n’acceptant de le relâcher que lorsqu’il affirmera s’être calmé. (Ils se demandèrent alors… s’ils seraient assez forts pour y arriver !) Cet enfant éprouvait avant tout le besoin d’être rassuré par l’attitude ferme et impavide des parents, face aux déchaînements de sa rage.

 

Déficit des imagos parentales

 

Le cas de ces deux jeunes femmes évoque tout à fait cette situation. Leurs symptômes spectaculaires relèvent essentiellement d’un excès de pouvoir de l’Enfant, ou, ce qui revient au même, d’un déficit du Parent.

 

Que ferait un bon parent envers un enfant qui hurle, et se fait peur lui-même, au fur et à mesure qu’il affole son entourage ? Que doit faire le Parent de ces deux jeunes femmes ?

  1. le Parent normatif doit être capable de poser la limite et de dire : « Stop ! Ça suffit  »
  2. le Parent bienveillant pourra, dans un second temps, une fois le calme à peu près revenu, prendre le temps de comprendre : « Quelle est la partie de moi qui veut s’exprimer ? Que ressent-elle ? »

Imaginez que vous vous trouvez collé à une paroi, en train de faire de l’escalade. La peur est là, mais il est impératif de ne pas lui donner le pouvoir, afin de ne pas rester paralysé, et de pouvoir continuer votre ascension. L’Adulte et le Parent doivent rester dirigeants, même si l’Enfant ressent une crainte intense.

 

Le déficit d’imago parentale contenante est lié aux troubles de la structuration basale. Toutes deux ont eu des parents insatisfaisants (l’une avec une mère hystérique-dépressive, l’autre quasiment sans père et confiée précocement à quelqu’un d’autre que sa mère). La thérapie va consister, via l’appui sur le thérapeute, et grâce au traitement du Transfert, à renforcer ou reconstruire de bons Parents capables de régenter les angoisses paniquantes.

 

Au passage on notera que notre médecine allopathique développe facilement chez les patients une attitude hypocondriaque. En effet, le corps est défini comme une machine, presque indépendamment de la vie affective et surtout psychique. Il faut le surveiller, le réparer, rester sur le qui-vive, etc. Il arrive, dans ce contexte, que le médecin se laisse lui-même inquiéter par la demande pressante de l’Enfant paniquée. Prescrire de multiples examens, toujours plus approfondis, et invariablement négatifs (ou ne montrant que quelques bricoles insignifiantes, qui risquent d’ailleurs de chosifier le problème), ne fait guère avance le schmilblick. Leur seul intérêt tient peut-être au poids que pourra prendre alors la parole du praticien, quand il se décidera enfin à dire fermement Stop. Mais un certain nombre de praticiens se révèlent eux-mêmes hypocondriaques, et donc particulièrement susceptibles d’embarquer leur patient dans un périple interminable et coûteux. La fin de ce parcours consistera alors habituellement en une prescription d’anxiolytiques et d’anti-dépresseurs, aussi inintéressants dans ces cas que les investigations précédentes.

 

Concluons sur le fait que beaucoup de symptômes peuvent être compris comme le signe du déficit du contenant psychique et de la faiblesse de l’image parentale face  aux  pulsions et émotions de l’Enfant.

 

 

RESUME

 

  • l’équilibre psychique découle de bonnes relations entre les membres de notre famille interne : Parents – Adulte-Enfant
  • lorsque les Parents ne sont pas fiables et solides, les peurs et hurlements de l’Enfant encombrent en permanence la vie de l’Adulte. Trop de pouvoir donné à cet Enfant, non rassuré et non contenu, débouche sur de multiples symptômes.
  • en effet, comment mener une vie d’adulte, si l’enfant croit devoir être celui qui va affronter celle-ci ? Ce dernier ne peut que se sentir trop inquiet, pas à la hauteur, et se réfugier alors dans des somatisations et des angoisses qui occupent tout le devant de la scène.

 

 

 

TOMBER  MALADE

 

La violence interne, lorsqu’elle n’est pas contenue ni formalisée sur la scène psychique consciente, va donner lieu à troubles : passages à l’acte, passage dans le corps (somatisations), difficultés relationnelles, angoisses.

 

A l’inverse : si l’on réussit à fermer les vannes pour empêcher que la pression interne s’évacue dans des actes (agressifs, par exemple) ou dans des somatisations (maladies), alors celle-ci reflue vers le psychisme, d’abord sous forme d’angoisse, puis (si l’on traite correctement cette angoisse) sous forme d’un conflit psychisé entre deux tendances. Or la scène psychique est, par excellence, celle où l’être humain peut accéder au pouvoir sur lui-même et sur sa vie. Par conséquent tout ce qui peut conduire à psychiser les symptômes permettra de faire disparaître ceux-ci au profit d’une gestion mentalisée de ce qui nous ébranle.

 

Deux observations vont nous aider. Les thérapeutes en A.T. proposent un contrat : ils demandent au patient de s’engager, durant le temps de leur thérapie, à ne pas se suicider, ne pas devenir fou, et ne pas tomber malade ni avoir d’accidents graves ! Et ça marche ! Autre remarque : certaines catégories sociales ne sont presque jamais malades ; il s’agit des professions libérales et des commerçants, pour lesquels, ô surprise, s’arrêter amènerait justement une catastrophe financière. Ainsi, qu’on soit client en A.T. ou commerçant à son compte, on pourrait empêcher la survenue de la maladie ? Oui, les faits l’attestent. Comment est-ce possible ? Nous allons le voir avec les relations Parent-Enfant.

 

Imaginez qu’un matin votre enfant se plaigne de douleurs diverses, se sente malade, alors que justement un contrôle scolaire, une composition, l’attendent aujourd’hui…  Qu’allez-vous faire ? En bon parent, vous allez refuser cette « maladie » débutante, et obliger votre enfant à aller affronter ce qui lui fait peur (après avoir parlé avec lui pour le rassurer, mais en restant inflexible sur la nécessité d’aller à l’école). De retour à midi, une fois l’épreuve passée, votre enfant ne sera même plus indisposé ; il est désormais passé à autre chose.

 

Au contraire, si vous aviez accepté cette « maladie », au vu par exemple de quelques douleurs au ventre, fait venir le médecin, incité votre enfant à rester au lit, vous auriez alors préparé le terrain pour :

  • que celui-ci justifie inconsciemment son arrêt en devenant vraiment malade (fièvre, rhume, gastrite, ou autre) ce qui confirmera tout le monde dans l’excellence de la décision prise
  • que dans le futur il choisisse à nouveau cette issue face à certaines situations stressantes… affaiblissant ainsi ses propres capacités.

Et bien il en est de même pour notre commerçant ou notre avocat. Un matin, il se lève avec un bon mal de gorge, un peu de fièvre, de la fatigue (tiens, l’après-midi il doit plaider une affaire délicate). Que va-t-il faire ? Il va refuser d’entrer dans cette voie-là ! Il va prendre un peu d’aspirine, quelques cafés, et partir à son travail. Alors la tension interne prendra une autre forme : les diarrhées cèderont bientôt la place à une angoisse, qui elle-même deviendra le signal indiquant la nécessité de commencer un dialogue interne entre Parent-Adulte-Enfant (après avoir résisté à la tentation d’empêcher le processus de reflux vers le psychisme avec des anxiolytiques). Une fois arrivée à ce niveau la personne va pouvoir tenir compte de tout ce qui bataille en elle-même… et se sentir libérée par la reconnaissance de ses diverses tendances, ainsi que par le choix de faire confiance aux capacités de l’Adulte, pendant que le Parent donnera quelque réassurance correcte à l’Enfant apeuré.

 

Le processus suivant s’est déroulé : notre homme a refusé de laisser s’ouvrir les vannes du côté de la maladie… et celle-ci n’est pas survenue… elle a été remplacée par une mise en scène plus psychisée… ce qui a permis une prise de conscience, amenant du pouvoir de décision!

 

Bien sûr, si votre enfant semble manifestement malade (ce que vous n’accepterez qu’au vu de signes nets et prolongés) vous tiendrez compte de ceci et chercherez le traitement adéquat. Mais une fois adulte, il devient possible de n’être presque jamais malade, si l’on stoppe la dérive vers cette tendance dès les premiers maillons de la chaîne (après un certain temps, il est difficile d’enrayer le mécanisme !). Cela se montre plus facile lorsqu’on fait confiance à son corps, et qu’on sait intimement qu’il possède les moyens nécessaires pour se défendre par lui-même, comme un grand, dans la plupart des cas.

 

A noter qu’on se sent généralement en pleine santé lorsqu’on est fortement stimulé par quelque chose d’enthousiasmant, auquel on se consacre (amour, œuvre à réaliser).

 

Tout ceci mériterait sans doute d’autres écrits ultérieurs, mais nous pouvons dès maintenant envisager de passer aux conseils de ce chapitre-ci.

 

 

QUELQUES  CONSEILS

 

 

Pas de complaisance

  • chaque fois que vous êtes sur le point de vous « défiler », sous un bon prétexte (maladie, fatigue, autre chose à faire, etc.) soyez conscient qu’il s’agit là d’une stratégie infantile. Plus vous accepterez d’y céder, plus vous affaiblirez votre capacité à mener votre vie.
  • par conséquent soyez inflexible avec vous-même : vous avez donné votre parole, vous la tenez, même s’il s’agit d’une question futile ; vous avez un rendez-vous, vous y allez, à l’heure dite ; vous avez fait un choix, vous ne lorgnez pas sur une autre alternative, et vous renoncez clairement à vouloir tout faire ; vous avez pris une décision, vous n’en changez pas. Vous devez accomplir quelque chose et vous vous sentez malade : refusez cette tentation et faites les actions prévues.
  • sachez qu’en imposant ces exigences et limites à votre Enfant, vous vous acheminez vers une force qui donnera bientôt tranquillité et sécurité à toute votre famille interne

 

Angoisse

  • lorsque vous ressentez de l’angoisse, essayez de voir celle-ci comme l’expression apeurée et bruyante d’une partie de vous-même. Ne stoppez pas ce signal par des anxiolytiques (sauf si votre Parent est encore trop incapable et que, du coup, vos angoisses sont par trop déstructurantes ; mais cette solution chimique, utile pour amener une rustine à votre contenant psychique, doit être comprise comme un pis-aller en attendant le travail essentiel : construire en vous-même un Parent fort et bienveillant, malgré les déficits issus de vos propres parents intériorisés)
  • établissez un dialogue intérieur avec la fraction de vous-même qui, derrière l’angoisse, cherche à éviter la tâche qui vous attend. Soyez compréhensif mais maintenez cependant la décision de votre majorité interne

Donnez une compensation à cette partie qui cherche à s’exprimer et qui n’a pas le pouvoir de vous faire changer d’avis.

 

 

Engagez-vous !

  • la meilleure chose que vous puissiez faire pour votre destin, c’est de prendre des décisions successives en vous coupant les ponts . Plus moyen de revenir en arrière ; vous vous êtes engagé, vous allez jusqu’au bout (ou du moins suffisamment loin dans cette voie).
  • concrètement cela veut dire choisir une action qui vous implique, annoncer officiellement ce choix à tout votre entourage, et aller jusqu’au bout de cette action sans tergiverser !

Relisez …

 

…l’ensemble de ce chapitre, en comprenant que la description des rapports éducatifs de la petite enfance parle de la façon dont vous pouvez vous-même établir des relations entre votre Parent et votre Enfant. De plus la conscience des dérives vers lesquelles notre société s’oriente soutiendra l’intérêt de ce travail sur vous-même, utile à tous, sur le long terme.

 

Tout ceci fortifiera votre sécurité interne face à votre propre violence fondamentale. Du coup vous pourrez « chevaucher le tigre », utiliser cette énergie à votre profit, au lieu d’être débordé / submergé par elle. Et, en retour, le monde commencera à vous apparaître comme un lieu vivable, où vous pourrez accomplir ce pour quoi vous êtes fait.