La bouteille à l’encre

Le 2 novembre 2023

Se repérer dans le monde de « la psy » et des thérapies de toutes sortes, voilà une entreprise ardue. Qui sont les psys ? Quelles thérapies existent ? Comment savoir ce qui amènera le résultat recherché ? Sur quoi se baser ? Comment choisir ?

Pour une personne désireuse de sortir d’une difficulté psychologique, relationnelle, sexuelle, psychosomatique, etc. la somme des questions s’avère considérable.

 

LES  PSYS

 

Déjà, commencer à se repérer dans le monde des psys, ou des thérapeutes relationnels. Psychologue * ? Psychiatre * ? Psychanalyste * ? Psychothérapeute * ? Psycho-praticien * ? Thérapeute familial ou conjugal * ? Thérapeute en thérapie brève * ? (les étoiles * indiquent lorsque certains mots peuvent trouver une définition plus détaillé avec le lien). Très peu de personnes du grand public ne dispose d’une vision tout à fait claire à ce propos, même en connaissant déjà un peu ces données.

Ajoutez à cela, une fois le psy repéré, d’autres questions non moins importantes : a-t-il effectué lui-même un travail psychothérapique ou psychanalytique pour dépasser ses propres névroses et ne pas les imposer inconsciemment ? Fait-il partie d’une école sérieuse dont il est encore membre ? Garde-t-il l’habitude de se faire superviser afin de ne pas se laisser prendre à ses propres zones aveugles ?

Enfin viennent des questions plus concrètes : durée des séances ? Tarif (les tarifs sont libres pour presque toutes les catégories de psy) ? Nombre de séances envisagé ? Rythme des séances (combien dans le mois et avec quel espacement) ? Etc. On voit que les interrogations ne manquent pas.

LES  THERAPIES

 

Hélas, il ne s’agit là que d’un premier panel de questions, car de nombreuses autres concernent les psychothérapies existant sur le marché. Il paraît qu’il y en a plus de 400. Comment est-il possible de s’y retrouver dans cette jungle ? D’autant que toutes se prévalent d’excellents résultats et peuvent même fournir des témoignages (vrais, non bidonnés) de personnes ravies de leur expérience. Est-ce vraiment possible ? Toutes permettent-elles de sortir de sa pathologie, de ses symptômes, de sa douleur ? Et de quelle façon ?

Consultons Wikipedia. À la rubrique « liste des psychothérapies » ils en dénombrent 59 (à la date où nous écrivons) ! Et encore n’intègrent-ils pas d’autres approches respectables dont on nous a dit du bien : sophrologie, yoga, méditation de pleine conscience, thérapie du couple, etc. Comment choisir parmi elles ?

En plus toutes ces psychothérapies soulignent leur spécificité, et leurs différences par rapport aux autres. Comment diable peuvent-elles alors toutes attester de résultats tangibles et libérateurs, alors qu’elles semblent parfois radicalement opposées ?

Disons qu’on pourrait regrouper ces centaines d’approches en trois catégories, pour tâcher d’aider le lecteur à émerger quelque peu de cette marée de sigles (PNL, AT, TBCS, TCC, etc) et de livres (il n’y a qu’à voir le département psychologie – développement personnel des librairies) :

Les psychothérapies découvrantes. Le but est de ne pas s’arrêter aux mécanismes dont la personne a recouvert son noyau douloureux, et de l’aider à aller vers cette douleur, cette blessure, ce traumatisme, même si s’aventurer vers la faille souffrante ne représente pas une promenade de tout repos. L’idée qui sous-tend cela se dirait ainsi : on ne peut soigner et guérir une blessure qu’en allant au contact de celle-ci, accompagné d’un thérapeute . (Cri primal, Psychanalyse, Analyse Bio-énergétique, Psychodrame, etc.)

Les psychothérapies recouvrantes. Le but est d’échapper aux symptômes, de calmer le jeu, d’induire une vision positive et relaxante, de trouver un équilibre en sortant des pensées ou comportements négatifs. Le thérapeute va favoriser ce mouvement vers une sortie des symptômes. (Méthode Coué ; médicaments psychotropes, anxiolytiques, antidépresseurs ; Pensée positive ; Sophrologie ; Relaxation, etc.)

Les psychothérapies centrées avant tout sur le changement. Elles ont surtout émergé dans la lignée de l’école de Palo Alto *, et des psychothérapeutes inspirés par la pratique si originale de Milton Erickson *, ce psychiatre américain fertile et créatif. Le but est de favoriser le mouvement du patient vers du changement : modification dans la manière de gérer son problème, dans sa façon de voir, dans ses interactions. L’idée sous-jacente : une expérience inusitée, située tout à fait en dehors des schémas habituels, va aider la personne à découvrir de nouvelles capacités qui lui permettront d’aller mieux. (Systémique, prescriptions stratégiques, Paradoxe, Coaching, PNL, etc.)

Nous verrons comment la Thérapie Brève Self Inductive (TBSI : eh oui, encore un sigle) se situe elle-même dans ces diverses tendances.

LE  SAVOIR-ETRE  DU  PSY

 

MAIS il ne suffit pas de savoir :

  • quel type de thérapeute choisir (sa formation, son école)
  • quel type de thérapie choisir (parmi les centaines d’options différentes)

car un troisième élément, absolument capital, se situe dans la personnalité même du psy. Et là nous rentrons dans un terrain bien plus difficile à cerner, qui désarçonne les sciences dures et les repères faciles. En effet les trois volets indispensables aux thérapeutes sont :

  •  Savoir (quels concepts, quels repères théoriques, quels livres de référence, quelle vision de la pathologie et du traitement)
  •  Savoir Faire  (quelle pratique, quels outils, quelles techniques)
  •  Savoir Etre. C’est le point sur lequel nous allons nous pencher.

Un psy bourré de savoir et très habile dans le maniement de ses techniques ne présentera pas pour autant une garantie de compétence, et surtout de résultats. « Si l’homme de travers emploie un moyen juste, le moyen juste opérera de travers » nous dit le psychiatre et psychanalyste Carl Jung.

Pourquoi la personnalité du psy et son positionnement intérieur dans la séance auraient-ils donc une importance majeure ? N’est-il pas suffisant qu’il sache appliquer le traitement, comme le font les professions médicales ? Pour répondre à ces questions nous allons citer des expériences assez fascinantes, ouvrant des horizons troublants.

L’EFFET ROSENTHAL, APPELÉ AUSSI L’EFFET PYGMALION

 

Robert Rosenthal, aidé de Lenore Jacobson, tous deux psychologues américains, ont prouvé (1968) scientifiquement, d’une manière incontestable, qui a donné lieu à de nombreux travaux postérieurs, le fait que :

les idées et croyances que l’on a sur autrui induisent chez celui-ci des comportements qui viennent confirmer notre jugement et nos attentes à son propos

 

Ils ont montré dans des expériences célèbres (cf. leur livre « Pygmalion à l’école ») que les croyances des professeurs sur tel groupe d’élèves, censés avoir un excellent potentiel, suscitaient chez ces élèves des résultats supérieurs (alors que ce groupe avait été déterminé au hasard par l’expérimentateur. 20 % de la classe). Et ces résultats n’étaient pas dépendants des notations scolaires : un test de Q.I. appliqué aux enfants du groupe « à potentiel », plusieurs mois après, obtenait objectivement des chiffres plus élevés que les autres enfants.

Plus tard d’autres travaux ont montré l’étonnante puissance de nos a priori, dans les interactions.

Encore plus fort : (citation Wikipédia) « Après avoir constitué deux échantillons de rats totalement au hasard, (Rosenthal) informe un groupe de six étudiants que le groupe n° 1 comprend 6 rats sélectionnés d’une manière extrêmement sévère. On doit donc s’attendre à des résultats exceptionnels de la part de ces animaux.

Il signale ensuite à six autres étudiants que le groupe des 6 rats n° 2 n’a rien d’exceptionnel et que, pour des causes génétiques, il est fort probable que ces rats auront du mal à trouver leur chemin dans le labyrinthe. Les résultats confirment très largement les prédictions fantaisistes effectuées par Rosenthal : certains rats du groupe n° 2 ne quittent même pas la ligne de départ.

Après analyse, il s’avère que les étudiants qui croyaient que leurs rats étaient particulièrement intelligents, leur ont manifesté de la sympathie, de la chaleur, de l’amitié ; inversement, les étudiants qui croyaient que leurs rats étaient stupides ne les ont pas entourés d’autant d’affection. »

Bref. Si vous croyez que votre voisin a un fond sympathique, gentil, serviable, celui-ci manifestera bientôt des comportements conformes à votre idée sur lui. Et ceci tient au fait que dans l’interaction avec lui votre comportement verbal et surtout non verbal transmettra tout votre positif intérieur. Inversement : si vous l’imaginez méfiant, paranoïaque, bizarre, peu fiable, vous aurez bientôt la preuve que vous aviez bien raison de penser cela car il se comportera avec vous d’une manière qui vous confirmera votre vision. Cela se rapproche de  ce que l’on a appelé « la prophétie auto-réalisatrice ».

En suivant cette piste on découvrira bientôt que l’interaction est la clé fondamentale. De même qu’en physique quantique l’observateur influence ce qui est observé, de même la façon dont l’autre se comporte avec nous n’est pas une réalité « objective », totalement indépendante de notre propre part, uniquement liée aux supposées caractéristiques de cet Autre.

Nous y reviendrons lorsque nous parlerons de la TBSI  appliquée aux couples.

Il en découle un principe extrêmement intéressant et positif : dans l’interaction entre un client et son thérapeute, les attentes positives de ce dernier, concernant les capacités de la personne qui consulte vont aider celle-ci à découvrir ses propres richesses de solutions et de guérison.

En résumé : ce qui se passe à l’intérieur du psychisme du thérapeute va induire une interaction qui permettra (ou non) que la personne découvre et mobilise son propre « potentiel ».

L’ALLIANCE THÉRAPEUTIQUE

Continuons sur cette voie. Au-delà des connaissances du psy (Savoir), au-delà des techniques qu’il connaît et utilise (Savoir Faire), la façon dont il voit ses clients, la manière dont il respecte leur pouvoir, leur humanité, leur richesse, va instaurer une alliance thérapeutique et déterminer la suite de la psychothérapie.

Depuis une trentaine d’années les psys américains de toutes catégories ont effectué un travail scientifique, pragmatique, appuyé sur des approches statistiques, pour dégager l’intérêt de « l’alliance thérapeutique » et son poids dans la variance des résultats d’une cure. Nous nous trouvons là face à une démarche empirique-observatrice dont les résultats méritent d’être pris en compte.

Quels sont-ils ? Je vous les résume ici :

1)    L’alliance initiale, liée au climat affectif de la relation, est le meilleur facteur prédictif des résultats du traitement.  Donc les débuts du traitement, les premières séances, présentent une importance capitale.

2)    L’alliance est un facteur dont la contribution à la variance des résultats se révèle supérieure à celle des divers traitements, quels qu’ils soient.

Ceci recoupe d’autres études, ayant montré que le type de rapport établi entre le praticien et le patient donnait une meilleure prédiction quant aux résultats, que le type de technique utilisée par ce praticien.

3)    Cette alliance initiale se verra ensuite soumise à d’inévitables fluctuations ; elle pourra être restaurée de deux façons, suivant les problématiques du patient et suivant le profil des psys : soit par le côté empathique et de soutien (plus psychothérapique) , soit par le travail d’interprétation (plus psychanalytique). Mais ce point n°3 ne concerne guère la TBSI, dès lors que celle-ci se déroule sur un très petit nombre de séances (entre 2 et 5 et avec un maximum de 10)

On voit ainsi qu’un facteur capital pour les résultats du traitement n’est pas lié directement au Savoir ou au Savoir Faire, mais dépend de la qualité relationnelle entre le psy et son client.

Le double aveugle et l’effet placebo

 

Toujours à propos du pouvoir de l’interaction on peut évoquer aussi la pratique des expérimentations en double aveugle.

 

Que veut dire « double aveugle » ? Lorsque l’on teste un nouveau médicament, on compare un groupe de patients qui reçoit le médicament et un groupe de patients qui reçoit un comprimé ayant le même aspect mais composé de produits totalement neutres – sucre, farine, etc. –. Or les résultats ne seront pas fiables si la personne qui distribue les médicaments sait elle-même quels sont les vrais et quels sont les faux. Le simple fait qu’elle le sache, même si elle ne manifeste rien, peut donner des résultats biaisés dans chacun des groupes. Pour éviter ceci les laboratoires veillent strictement à ce que ni le médecin ( ou le personnel soignant), ni le patient ne sachent qui reçoit le vrai médicament : tout le monde est « aveugle » (le médecin et le patient) et les résultats pourront donc être fiables, non faussés par l’influence des idées du prescripteur ou du patient.

 

Inversement, on connaît de nombreux exemples dans lesquels le patient, croyant prendre un médicament puissant alors qu’il ne s’agit que d’un placebo, se sent mieux et parfois même guérit spectaculairement. On a même pu prouver que l’emballage, la marque, la couleur du produit, son amertume, son prix, présentent une influence sur l’effet placebo. Il est donc important, dans le double aveugle, que les comportements et les « médicaments » donnés à chacun des deux groupes soient strictement identiques et distribués dans des conditions similaires.

 

Bref et en résumé, les idées, les croyances, les a priori de chacun ont une influence énorme sur les résultats du traitement quel qu’il soit (psychologique, médical, chamanique, ou de n’importe quel ordre).

 

Et là nous rentrons dans une zone plus que difficile à cerner scientifiquement. Parce que, si la variable de la personnalité du thérapeute, et de son positionnement intérieur, conjuguée à la variable des attentes et des a priori du client, représente un facteur capital de l’évolution du traitement alors comment évaluer le poids des divers éléments d’une psychothérapie ?

 

Ces variables interactionnelles nous donnent une clé explicative concernant non seulement la multiplicité des psychothérapies et « thérapies » de toutes sortes, mais aussi le fait que toutes attestent de résultats tangibles et de témoignages incontestables.

 

En effet, dès lors que les conditions nécessaires seront présentes dans l’interaction, des changements vont incontestablement survenir.

Prenons un exemple, qui nous semble montrer la puissance des attentes et des croyances. Nous espérons que la description de cette pratique ne choquera pas les tenants de celle-ci, et ne heurtera pas les personnes qui ne la connaissent pas.

 

EXEMPLE : L’URINOTHERAPIE

 

Cela peut sembler une sorte de « thérapie » extrême : boire son urine serait une panacée, susceptible de guérir tous les maux.

 

Les écrits qui lui sont consacrés, dans lesquels se succèdent des témoignages de guérisons quasi miraculeuses, tiennent lieu d’un « prescripteur enthousiaste », et suscitent le phénomène de prophétie auto-réalisatrice.

 

(citations extraites d’un article de la revue Psychologies, écrit par Cendrine Barruyer) « Dès la première gorgée d’urine, tous auraient senti une force vitale les pénétrer. Sida, cancer, blennorragie, boulimie, sclérose en plaques, diabète, parasitose, etc. : rien ne résisterait au traitement. Pas plus que les maladies dites de société – stress, allergies, infections à répétition…

Comment s’y prendre ? Avec un verre tout simplement. On le remplit d’urine à la source et l’on boit encore tout chaud. En usage externe, toute liberté est donnée : en démaquillant ou en après-rasage sur le visage, en shampooing sur les cheveux… »

 

« L’urinothérapie est-elle faite pour vous ? Oui, répondent en chœur ses adeptes, elle nous concerne tous. Comment ? Là, les conseils divergent. Les uns recommandent l’urine vieillie (sentant l’ammoniac) ; les autres, l’urine fraîche et stérile de milieu de jet (le début de la miction aura nettoyé vos parties intimes). Le nec plus ultra : l’urine du matin, riche en mélatonine, mais réputée salée et amère. Les plus audacieux s’enivrent de la quasi-totalité du divin liquide, les plus timorés se contentent d’une « isothérapie urinaire » (homéopathie à base d’urine) ou de jus d’orange coupé de pipi. La plupart préfèrent leurs « propres » émonctions, quelques-uns ne jurent que par celles d’enfants, de femmes enceintes, d’hommes de grande piété… Pas de loi universelle donc. La raison tient en trois mots : panacée, souveraineté, diversité. »

 

Quelle quantité ? À quel rythme ? Quand ? Pas de posologie, chacun dose comme il veut (souveraineté). Pas de mode d’action attesté médicalement, ou même qui représenterait un consensus chez les pratiquants : c’est « vibratoire », ou «enzymatique», ou « hormonal », ou de « transmutation » ésotérique, etc.

 

Eh bien l’alliance entre les croyances enthousiastes des « prescripteurs » et les croyances des pratiquants, produit des résultats ; et ceux-ci donnent lieu à témoignages et à écrits dithyrambiques.

 

Avec cet exemple (qui n’est pas psychothérapique mais dans lequel on peut supposer une très forte influence du psychisme) nous voulons montrer que la mise en route des forces guérissantes ou du moins, a minima, des forces de changement est un point qui mérite une étude approfondie. Sans cela nous ne pourrons atteindre une vision scientifique concernant l’efficacité des thérapies de toutes sortes et plus particulièrement des psychothérapies.

 

En conclusion, et nous le verrons dans la présentation de la TBSI, la formation du psychothérapeute exige impérativement un volet, le plus important, concernant sa personnalité, sa façon de voir le client, sa façon d’être, tant intérieurement que dans l’interaction, en bref son positionnement. Ceci ne peut s’apprendre ni dans les livres (Savoir) ni dans les techniques (Savoir-faire) mais bien dans le travail sur soi-même et dans des groupes de formations axées sur l’interactionnel (Savoir Être). On voit par là qu’une formation de psychothérapeute ne peut pas s’effectuer par correspondance, et nécessite un engagement affectif et personnel. Et même des titres universitaires, des connaissances en psychopathologie, des acquisitions techniques, ne suffisent pas, contrairement à ce que l’on pourrait croire.

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Voir aussi

Le poids des étiquettes

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